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  • Photo du rédacteurSagesses Bouddhistes

Les 10 ans du CCBR : un sacré anniversaire...


Le festival célébrant les dix ans d’existence du CCBR a été lancé officiellement le 10 octobre 2021, en présence de la mairie de la ville de Rennes, pour dérouler ensuite un programme de conférences et d’événements jusqu’au 16 janvier 2022.

Ce festival s’adressant au grand public, la manifestation fait preuve d’une transmission pédagogique et ludique de savoirs, de connaissances. Elle se déroule en soirée ou en journée, et se partage en famille. La première journée du festival a été l’occasion de jeux et de spectacles en pleine conscience : les enfants et leurs parents venaient ressentir, ensemble, un calme corporel et mental à travers des mouvements de tai chi chuan. Spectacle de marionnettes et concert de cithare vietnamienne succédèrent à la danse et la poésie en venant clôturer avantageusement la journée.

Avec le cycle de conférences sur le bouddhisme et ses différents courants, le CCBR reste en plein dans sa mission culturelle : les conférences ouvertes à tous les publics sont données par des universitaires de référence, des directeurs de centres d’études et de pratique de la méditation. Elles portaient, entre autres, sur les origines du bouddhisme et son enracinement possible dans notre société actuelle.

Les sessions de questions-réponses avec un public large ont permis de mettre en lumière des points généralement peu abordés pendant des enseignements bouddhiques formels.


« Les origines du bouddhisme »

Le 15 octobre 2021

Dominique Trotignon, directeur de l’Institut d’études bouddhiques, effectue des travaux de synthèse et de réflexion sur le bouddhisme ancien de l’Inde ainsi que sur l’implantation du bouddhisme en France. Il produit une ambiance joyeuse dans la salle par la clarté et la limpidité de son propos.


Pourquoi le bouddhisme est-il plus une religion qu’une philosophie ?

Dominique Trotignon : Notre vision de la philosophie est basée sur l’idée que c’est par le « dialogue », la parole, que l’on a accès à la vérité. Si vous regardez un dictionnaire, on vous dit que la vérité relève du discours – ce qui renvoie encore au langage. Or une des premières choses qu’a enseignées le Bouddha, c’est que le langage est ce qui masque la réalité. Tout ce qui fait le langage, le fait de dénommer quelque chose, qui répond à une définition particulière et qui conceptualise, est ce qui va nous empêcher de faire l’expérience directe de la réalité. Le langage va créer une sorte de filtre mental qui va obstruer notre vision, créer une sorte de voile : on ne verra pas ce que l’on a en face de soi, on va réagir à l’idée que l’on s’en fait. Donc le langage en tant que tel n’est pas du tout valorisé par le Bouddha dans ses enseignements.

Il y a une image extrêmement importante dans les textes anciens où le Bouddha déclare –parce que nous pourrions croire que son enseignement a une importance absolument capitale – que son enseignement doit être comparé à un radeau.

Qu’est-ce qu’un radeau ? C’est quelque chose que l’on utilise pour traverser un fleuve mais dont on ne s’embarrasse pas ensuite. On ne va pas le garder sur le dos, une fois qu’on a atteint la terre ferme. Le Bouddha dit : « Ce que je vous enseigne est un radeau, ce n’est que temporaire, ce n’est pas une vérité absolue et je ne vous l’enseigne que parce que c’est utile. » Il y a énormément d’expressions dans les textes anciens qui disent que le Bouddha ne dit pas ce qu’est la Réalité mais que grâce à ce qu’il dit, ses disciples pourront expérimenter directement la réalité. Cet aspect va se retrouver dans toutes les formes de bouddhisme, à toutes les époques et quels que soient les courants.

C’est difficile pour nous, Européens, d’accepter que ce que l’on dit n’est pas « vrai », n’est pas « une vérité » mais que ce que l’on dit est avant tout utile.

Une autre expression employée dans les textes dit que la grande qualité du Bouddha vis-à-vis de ses disciples est d’avoir développé une « habileté dans les moyens ». Il employait le discours, il employait des techniques qui existaient avant lui, des techniques de yoga par exemple, mais ce n’était pas seulement les moyens en eux-mêmes qui permettaient aux disciples d’évoluer. L’habileté du Bouddha résidait dans le choix d’un moyen et du moment précis où il choisissait de le donner, parce que ses auditeurs, dans les circonstances présentes, pouvaient être sensibles à une chose qui s’adressait particulièrement à eux à ce moment-là. C’est cela qui est son habileté. Le Bouddha dans les textes anciens est présenté comme un pédagogue, quelqu’un qui conduit ceux qui doivent apprendre. C’est l’instructeur.



« Être bouddhiste aujourd’hui »

Le 17 octobre 2021

Lama Jean-Guy de Saint-Périer, enseignant dans la tradition bouddhiste tibétaine Karma Kagyupa, a effectué deux retraites traditionnelles de trois ans. Il est le directeur de Dhagpo Kagyu Ling, centre d’étude et de méditation en Dordogne.


Les enseignements du Bouddha ont été donnés il y a 2 500 ans : quelles seraient les adaptations à notre époque ? La pratique a-t-elle changé ?

Lama Jean-Guy : De mon point de vue d’enseignant bouddhiste, quand on regarde l’enseignement du Bouddha, qui peut être résumé dans les quatre vérités des êtres nobles, on remarque qu’on s’intéresse essentiellement au mal-être, ou à la souffrance, à ses causes, à la libération de cette souffrance et à la méthode à suivre. Ce mal-être a-t-il fondamentalement changé entre il y a 2 500 ans et maintenant ? Est-ce que les émotions perturbatrices ont changé de nature ou d’intensité ? Non, fondamentalement, quand on regarde les causes, à savoir les émotions et les actes, ce sont les mêmes. Quand on regarde les moyens de se libérer de cela par la méditation, l’éthique et la sagesse, c’est le même processus qui est à mettre en œuvre. De mon point de vue, le cœur de l’enseignement du Bouddha ne semble pas dépendre du temps, de l’époque puisque nous avons tous des émotions perturbatrices et que nous sommes tous traversés par le même type de souffrance qu’on soit ici, en Asie, en Amérique du Sud, maintenant ou il y a 1 000 ans. Bien sûr, les circonstances selon lesquelles ces émotions surgissent, les paramètres extérieurs, ont changé. Maintenant, quand nous n’avons que 3 likes sur un post Facebook, nous nous disons : « Mon dieu, on ne m’aime pas ! ».Mais l’émotion est la même et c’est toujours le besoin de reconnaissance qui est recherché, par exemple. Il y a peut-être certaines émotions qui sont maintenant plus prégnantes qu’il y a 2 500 ans ; mais peu importe puisque le cœur du mal-être, ses causes et donc les méthodes de libération – à savoir les enseignements – restent identiques.



« Le mahayana »

Le 9 novembre 2021

Philippe Cornu est universitaire, professeur en bouddhisme, hindouisme et histoire des religions à l’UCLouvain (Belgique) et pratique le bouddhisme tibétain depuis plus de 40 ans. Ancien enseignant à l’INALCO, il est traducteur du tibétain et auteur de nombreux ouvrages dont le Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme, Le bouddhisme, une philosophie du bonheur ? et le tout récent Manuel de bouddhisme en trois tomes. Il est également l’auteur de deux livres sur l’histoire des religions.

{capture d’écran + affiche de la conférence}


Pourquoi avoir écrit vos deux livres sur l’histoire des religions ?

Philippe Cornu : À l’heure actuelle, on se rend compte que les gens ne comprennent pas grand-chose aux religions. Le battage médiatique actuel est source d’énormes confusions. Les détracteurs systématiques des religions mélangent tout et font de plus en plus la chasse aux sorcières. Pourquoi ? Quelque part, les religions sont le dernier rempart moral face à une économie de marché qui produit la marchandisation de l’homme jusqu’à la moelle. La spiritualité, quelle qu’elle soit, est un enjeu extrêmement important pour notre époque. Que ce soit l’islam, que ce soit le bouddhisme, le judaïsme, le christianisme, que ce soit n’importe quelle religion – je parle des courants authentiques et sincères, loin des courants fanatiques –, toutes représentent un contrepoids à cette tendance néolibérale. Cette tendance peut aller vers un transhumanisme abominable qui ne profitera qu’à une toute petite minorité qui mettra au panier tous les autres. Il s’agit de bien réfléchir à l’importance de la spiritualité dans la vie, et pour notre futur, car la situation s’est aggravée considérablement ces dernières années.

Qu’est-ce qu’un rite, qu’est-ce qu’une liturgie, qu’est-ce qu’un prêtre, un moine, les acteurs de la religion, ceux qui la transmettent, comment s’élaborent les textes et ce qui constitue les textes canoniques, comment les religions s’institutionnalisent-elles plus ou moins, comment fonctionnent-elle par rapport au monde ? C’est l’histoire des religions qui permet de comprendre mieux l’apport qui peut être offert au monde. Du coup, on ne se trouve pas des boucs émissaires. On comprend mieux ce qui est différent et aussi ce qui a un certain nombre de traits communs qui sont propres au fait d’être humain, de pouvoir se relier à plus grand que soi. Sur cet aspect, l’éducation de la jeunesse est fondamentale. Or elle est pleine de lacunes à l’heure actuelle, notamment en histoire et en géographie. Ce qui fait que les jeunes manquent complètement de repères dans l’espace et dans le temps. Comment peuvent-ils alors construire une pensée citoyenne, politique, etc. pour comprendre les enjeux de ce monde ? Il y a un aspect presque convergeant entre les aspects citoyen, militant et spirituel à notre époque. Un peu comme les béguines au Moyen Âge : elles s’engageaient auprès des pauvres et étaient des grandes mystiques. Il y a toujours eu dans le monde religieux des personnes extraordinaires qui ont fait beaucoup pour les autres.


Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°20 (Hiver 2021/22)

Pour en savoir plus : www.ccbrennes.fr


 

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