Entretien et photos : Philippe Judenne
Le Centre culturel bouddhique de Rennes (CCBR) est un ovni remarquable dans le paysage bouddhiste français. Il est aujourd’hui le seul centre en France à accueillir sous une ombrelle culturelle et laïque tous les courants bouddhiques présents localement, et plus encore.
Un peu d’histoire
C’est en 2005 qu’une communauté asiatique exprime l’idée d’un Centre culturel bouddhique à Rennes, trois ans après la création du centre culturel israélite Edmond-Safra et celle du centre culturel islamique Avicenne en 1986. Un dossier est présenté, puis finalement accepté par la municipalité.
Le Centre culturel bouddhique de Rennes ouvre ses portes au public le 1er décembre 2011.
D’année en année, le CCBR a sereinement créé son écosystème avec les institutions et les associations. Actuellement, il pilote 20 à 25 événements annuels, des cours hebdomadaires de bien-être, ouverts à tous, et des enseignements bouddhiques. À l’intérieur de ses murs, propriété de la mairie avec laquelle a été passée une convention d’occupation, le CCBR accueille 9 associations culturelles, 3 associations socio-culturelles et 6 activités de bien-être : yoga(s), qi gong, tai chi chuan, iaïdo avec un peu plus de 200 adhérents directs.
Nous rencontrons Hervé Le Goaziou, président du CCBR.
Quelle était l’idée directrice du projet ?
Hervé Le Goaziou : Notre projet associatif était de créer et de faire vivre l’entité CCBR, Centre culturel bouddhique de Rennes. Nous sommes de Rennes et de longue date ! Il y a eu un long cheminement ensemble avant même la création du centre. Au-delà de nos appartenances, c’est aussi une affaire de rencontres avec différents courant bouddhistes, tout en affirmant nos différences mais sans que cela soit clivant. Nous voulions faire en sorte que le CCBR ne soit pas uniquement au service des associations adhérentes comme peut l’être une régie qui répond à des besoins matériels, à des besoins de communication et d’hébergement. Notre projet était de créer une communauté, un écosystème plus large et uni. Il fallait faire en sorte que chaque association soit aussi au service du CCBR, au-delà de la défense de ses intérêts propres dans la gestion du centre. C’est l’ambition que nous avons posée dès le départ et il y avait un consensus autour de ça.
Le cadre associatif est-il suffisant ?
Certainement. Le CCBR est une association de la loi 1901 et cette loi offre un cadre de fonctionnement sur lequel on s’est beaucoup appuyé. Les statuts et le règlement intérieur du centre ont été discutés dans un groupe de travail constitué des différentes associations présentes avant 2011 – et toujours présentes 10 ans après – et de représentants de la ville de Rennes : nous voulions garantir une collégialité et une représentation égalitaire et uniquement des associations.
Le CCBR n’ayant pas de salariés permanents, nos ressources humaines sont donc basées sur la disponibilité et l’engagement des bénévoles, et leurs compétences techniques, administratives, juridiques, financières.
Le pilotage du CCBR s’appuie sur le travail de deux groupes de réflexion : culturel et spirituel. Pourquoi ?
Il faut que la ville de Rennes – avec laquelle le CCBR est liée par convention – puisse distinguer ces deux aspects. La subvention de la ville de Rennes ne peut en aucun cas servir à financer une activité à caractère spirituel dans le cadre de la loi 1905. Et il faut aussi que le public puisse se repérer.
Quelle est la frontière ? Qu’est-ce qui relève du culturel, qu’est-ce qui relève du spirituel ?
Nous avons dû réfléchir au classement de chaque activité et mettre des catégories.
Par exemple ?
Les conférences accessibles à tous les publics sont culturelles. Il n’y a pas besoin d’être initié ou expérimenté pour assister à « L’art bouddhique en Inde » présenté par Véronique Crombé, conférencière des musées nationaux, ou à l’exposition des « Sûtras bouddhiques, un héritage spirituel universel ». On est classiquement dans des événements culturels.
Les activités de yoga, qi gong, tai chi chuan et iaïdo ne relèvent pas non plus du spirituel.
Et la méditation ?
La méditation est accessible à tout le monde. Nous faisons la distinction selon le déroulement et l’organisation des séances de méditation. Si on fait un temps de méditation, sans cérémonies, ni rituel d’ouverture, ni rituel de clôture, alors c’est culturel, c’est du bien-être dans le sens noble. C’est l’exemple classique des séances de méditation ouvertes à tous.
Tous les courants du bouddhisme sont présents au CCBR. Il y a donc chez les adeptes du mahayana, du theravada et du vajrayana des cérémonies et des rituels qui sont en lien avec des pratiques méditatives : nous sommes clairement dans le culte et la spiritualité.
Comment fonctionne le CCBR avec la ville de Rennes ?
Nous sommes très impliqués dans la vie de la cité : le centre accueille régulièrement des élèves et des lycéens sur le thème de la laïcité à l’école et du fait religieux. La ville de Rennes a mis en place un comité sur la laïcité dont nous sommes partie prenante au même titre que les autres religions sur la place de Rennes : rencontres sur le fait religieux, réunions d’information avec des responsables et des acteurs de structures éducatives, etc. Le CCBR, œcuménique et rassembleur de différents courants bouddhistes, est devenu pour les institutions un interlocuteur privilégié et représentatif.
Au niveau du quartier, c’est chose fréquente qu’un habitant vienne frapper à notre porte pour nous demander ce que c’est que le bouddhisme. Alors, on le reçoit et on peut l’envoyer vers la bibliothèque qui s’est enrichie d’un fonds documentaire de livres, d’enregistrements audio et de transcriptions de conférences, mis à la disposition du public.
Notre ambition est de créer une communauté au CCBR en favorisant le décloisonnement, les échanges.
Nous avons à cœur d’organiser des événements qui favorisent le brassage intercommunautaire, comme le festival des 10 ans ou à l’occasion des grandes fêtes bouddhiques, et qui sont devenus des temps forts et traditionnels au centre. Maître Deshimaru disait : « Si vous voulez créer des structures, créez vos structures en plein cœur des villes. » Je crois qu’on est arrivé à quelque chose d’approchant.
Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°20 (Hiver 2021/22)
Pour en savoir plus : www.ccbrennes.fr