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Echanger soi-même avec l’autre

Dernière mise à jour : 3 oct. 2023

Donner et recevoir


Le 2 mai 2017, au centre bouddhiste Karma Mingyur Ling (Montchardon), lama Tsony donne cet enseignement sur la méditation de Tonglen, une pratique essentielle de Lojong, l’entraînement de l’esprit.

Un audio de cette méditation est disponible en fin d'article.



Ne faites rien de nouveau, continuez de respirer. Mais alors que vous inspirez, et que vous expirez, lâchez ! Lâchez ce qu’il y avait avant, ce qui traîne dans votre présent, lâchez ce qui viendra après, qui vient angoisser, remplir votre présent.

Lâcher l’idée de méditer. Simplement être là, assis, conscient, inspirant et expirant.


1 minute de silence – quelques respirations.


Maintenant, vous êtes à la maison. Je vous invite à un petit exercice qui est de voir la toile, le réseau dans lequel vous vous inscrivez. Vous pouvez commencer par n’importe quel fil de ce réseau. Vous pouvez peut-être penser à vos parents qui sont quand même la cause première de votre présence dans ce monde. Et puis penser à leurs parents, et ainsi de suite aussi loin que vous pouvez vous souvenir de vos liens et de vos réseaux familiaux. Voyez comment tous ces liens s’interpénètrent et tissent un réseau d’interaction entre les être. Et vous êtes un point dans ce réseau. Vous pouvez aussi penser aux descendants, c’est-à-dire ce qui part de vous. Et peut-être vos enfants sont devenus des parents, qui ont des enfants, qui un jour eux-mêmes auront peut-être des enfants. Vous ouvrez ce réseau aussi loin que vous pouvez l’imaginer et au-delà de votre imagination. C’est une façon de prendre conscience de la toile, prendre conscience du réseau, de l’inter-être.


Vous pouvez aborder ce réseau, cet inter-être d’une autre façon : vous avez pris un petit déjeuner et vous pensez à toutes les personnes qui ont participé à ça, en cuisine, au supermarché, les paysans et leurs parents et les parents de leurs parents.


Vous pouvez prendre ce réseau encore par un autre point d’accès : celles et ceux qui vous ont permis de maîtriser le langage, la communication, qui vous ont permis de développer les outils de votre intelligence. Ceux qui ont imprimé les livres et ont édité les livres que vous avez lus, ceux qui ont fait le papier, qui ont planté les arbres. Et leurs parents et les parents de leurs parents.


Pause silencieuse


Nous ne sommes pas une île isolée mais une synapse palpitante dans un réseau infini. Ni plus ni moins. Beaucoup d’énergie, beaucoup de générosité, beaucoup de moments où on est mis au défi nous arrivent par tous ces réseaux et contribuent à faire de nous ce que nous sommes. Ils nous nourrissent tant par l’amour que par les défis à relever.


Silence – 30 secondes


Chacun de ces êtres, chacun de ces points dans cette constellation, partage avec nous les mêmes aspirations profondes : l’envie d’être heureux, le désir d’être libre de la souffrance, le désir profond de s’établir dans une joie durable.


Silence – 1 minute


On commence à sentir s’élever un sentiment de gratitude et d’appréciation pour tous ces êtres, qu’on les connaisse consciemment ou qu’ils aient participé à notre situation actuelle sans qu’on le sache. On ressent cette proximité, cette fraternité dans l’inspiration. Et on voit aussi combien ils sont maladroits, un peu comme nous le sommes, à essayer de stabiliser un bonheur, éviter une souffrance, en créant au travers de leurs paroles et leurs actions des énergies qui en définitive concourent à créer l’inverse de ce qu’ils souhaitent trouver. Cette gratitude, cette bienveillance, lorsqu’elle rencontre leur souffrance, devient active, elle devient compassion.


Pause silencieuse


Ce n’est pas un désir d’aider qui se projette. Dans un premier temps, c’est un désir d’aider qui s’ouvre. L’hospitalité, l’accueil, la générosité.


Sur l’inspire, on accueille ces souhaits et ces désirs de bonheur et en même temps cette incapacité à en créer les causes. Un petit peu comme on fait après manger en disant : « Mais passe-moi ton assiette, je vais faire la vaisselle de toute façon. » Rien n’est extraordinaire, c’est simple.


Et on peut considérer leur joie, leur liberté alors qu’on a pris leur assiette – comme on peut le constater après manger, quand les gens sont reconnaissants, qu’on débarrasse la table devant eux. Et cette joie qui est la leur devient la mienne. Et peut-être que mon esprit, qui était un peu soucieux, chagrin dans ce moment, devient heureux, léger, bienveillant, affectueux. Et cette découverte, cette métamorphose de notre état d’esprit, c’est ce que l’on va offrir alors qu’on expire ; comme on expire cette énergie de joie, de légèreté, de bienveillance qui diffuse au travers du réseau dans lequel nous nous inscrivons. Une façon très naturelle d’expirer sans qu’il y ait de frontière ou de sélection ; vers tout le monde, qu’on les connaisse ou pas, qu’on les apprécie ou pas, qu’on les aime ou pas. Notre expire, sans discrimination, emplit ce réseau, cet espace avec la joie et la légèreté qu’on a trouvées dans l’inspire où l’on accueille la difficulté, la souffrance, le problème de l’autre.


Pause – 30 secondes


Parfois, il y aura des petites réticences à prendre, à inspirer des peurs, un enfermement sur un territoire personnel. Et on va voir là cette vieille habitude de penser en termes d’îles, en termes de moi. Et on va inspirer avec plus de profondeur pour laisser cette peur, cette tension se détendre dans le mouvement de l’inspire et l’expire. Il n’y a aucune crainte à avoir. Vous êtes assis, assise, vous ne faites que respirer. Rien n’a changé. Mais votre regard commence à changer.


Pause – 5 minutes


Merci.

(fin)


La fin de la session enchaîne avec le commentaire suivant : « L’ouverture de la pratique utilise des mots, des concepts. On peut dire qu’elle est un peu bavarde parce qu’on imagine, lorsque l’on pense. Mais ces mots sont finalement des moyens qui nous permettent d’arriver à quelque chose qui va être au-delà des mots et auquel on n’aurait pas pu accéder sans cette induction verbale, conceptuelle. »






Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°25 (Printemps 2023)



 




Lama Tsony est français, devenu laïc en 2007 après de longues années de responsabilité monastique en qualité d’abbé d’un monastère bouddhiste en Auvergne. Il vit désormais aux États-Unis avec son épouse, au centre BodhiPath de Natural Bridge dont il est l’enseignant résident. Il est très apprécié pour son approche épurée et moderne du bouddhisme.

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