top of page
loading-gif.gif
Photo du rédacteurSagesses Bouddhistes

Méditation sur le souffle

Dernière mise à jour : 18 sept. 2023




Parlons maintenant de la façon de pratiquer la méditation sur le souffle. Les textes disent de commencer par inspirer et expirer longuement, fort ou légèrement ; puis d’inspirer et expirer brièvement, à nouveau fort ou légèrement. Ce sont les premières étapes de l’entraînement. Ensuite, vous n’avez plus à vous concentrer sur la longueur de l’inspiration et de l’expiration ; vous centrez simplement votre attention sur un point du parcours de la respiration et la maintenez là jusqu’à ce que l’esprit se pose et s’immobilise. Quand l’esprit est immobile, vous vous concentrez sur cette immobilité en même temps que vous restez conscient de la respiration.

À ce moment-là, vous ne vous concentrez pas directement sur la respiration. Vous vous concentrez sur l’esprit dans son état d’immobilité et de normalité. Vous vous concentrez en continu sur la normalité de l’esprit tout en étant conscient que l’air continue à entrer et sortir mais sans vous fixer dessus. Vous restez simplement attentif à votre esprit mais vous l’observez avec chaque inspiration et chaque expiration. D’habitude, quand vous avez une activité physique et que votre esprit est dans un état normal, vous pouvez très bien savoir ce que vous faites, alors pourquoi ne pourriez-vous pas être conscient de la respiration ? Après tout, elle fait partie de votre corps.

Pour certains d’entre vous, tout cela est nouveau, c’est pourquoi vous ne savez pas comment on peut se concentrer sur l’esprit dans son état de normalité avec chaque inspiration et chaque expiration sans se concentrer directement sur la respiration elle-même. Ce que nous faisons ici, c’est pratiquer comment être conscient du corps et de l’esprit en eux-mêmes et par eux-mêmes, purement et simplement…

Commencez par vous concentrer sur la respiration pendant cinq, dix ou vingt minutes. Respirez longuement ou brièvement. En même temps, remarquez les étapes par lesquelles passe l’esprit : comment il commence à s’apaiser quand l’attention est centrée sur la respiration. Il faut que vous soyez déterminé à observer cela parce que, d’ordinaire, les gens respirent machinalement sans y accorder la moindre attention. Ils ne se concentrent pas sur la respiration, ils n’en sont pas vraiment conscients. Ceci nous porte à croire qu’il est difficile de rester concentré dessus mais, en réalité, c’est très simple. Après tout, l’air entre et sort de lui-même tout naturellement. Il n’y a rien de difficile dans la respiration, contrairement à certains autres sujets de méditation. Par exemple, si vous pratiquez l’évocation du Bouddha – c’est-à-dire le mantra bouddho –, vous devez répéter boudho, boudho, boudho.

En fait, si vous le souhaitez, vous pouvez répéter bouddho intérieurement avec chaque inspiration et expiration mais seulement dans les premiers temps de la pratique. On répète bouddho pour empêcher que l’esprit ne fabrique toutes sortes de pensées. Simplement en maintenant cette répétition, on peut affaiblir les tendances de l’esprit à s’évader car l’esprit ne peut faire qu’une seule chose à la fois. C’est quelque chose que vous devez observer. La répétition permet d’empêcher l’esprit de fabriquer des pensées et de s’envoler avec elles.

Après avoir maintenu la répétition de ce mot – inutile de compter le nombre de fois – l’esprit va se calmer et prendre conscience de la respiration à chaque inspiration et chaque expiration. Il va commencer à être immobile, neutre, dans son état de normalité.

C’est alors que vous devez vous concentrer sur l’esprit au lieu de la respiration. Lâchez la respiration et concentrez-vous sur l’esprit – tout en restant conscient, en parallèle, de la respiration. Il n’est pas nécessaire de noter si la respiration est courte ou longue. Notez plutôt si l’esprit reste bien dans un état de normalité avec chaque inspiration et chaque expiration. Souvenez-vous bien de ces instructions pour pouvoir les mettre en pratique.

Concernant la posture : pour vous concentrer sur la respiration, la position assise est plus favorable que si vous êtes debout, en marche ou allongé, parce que les sensations qui accompagnent ces autres postures sont souvent plus fortes que les sensations de la respiration. Quand on marche, le corps est trop secoué ; être longtemps debout peut être épuisant et si l’esprit se pose quand on est allongé, on a tendance à s’endormir. Assis, il est possible de rester dans une même position et de garder l’esprit fermement posé pendant un long moment. On peut observer les subtilités de la respiration et de l’esprit de manière naturelle et automatique.

Je voudrais maintenant faire un condensé des étapes de la méditation sur la respiration pour montrer que les quatre tétrades mentionnées dans les textes [le Satipatthana Sutta[1] ] peuvent être pratiquées en même temps. En d’autres termes, est-il possible, au cours de la même période de méditation, de se concentrer sur le corps, les sensations, l’esprit et les objets de l’esprit ? C’est une question importante pour nous tous. Si vous le désirez, vous pouvez suivre avec précision toutes les étapes mentionnées dans les textes pour développer de forts pouvoirs d’absorption méditative (jhana), mais cela prend beaucoup de temps. Ce n’est donc pas approprié pour ceux d’entre nous qui sont âgés et n’ont plus que peu de temps disponible.

Ce qu’il nous faut, c’est une façon de regrouper notre attention sur la respiration suffisamment longtemps pour stabiliser l’esprit et puis aller directement examiner comment toutes les formations mentales sont impermanentes, sources de souffrance, et impersonnelles, de façon à voir la vérité sur toutes les formations avec chaque inspiration et chaque expiration. Si vous pouvez vous y tenir en continu, sans arrêt, votre attention va devenir assez stable et sûre pour éveiller la sagesse qui vous permettra d’acquérir la connaissance et la vision claires.

Ce qui suit est donc un guide des étapes de la pratique d’une forme condensée de méditation sur le souffle. Essayez de les suivre jusqu’à ce que vous constatiez qu’elles éveillent en vous une connaissance qui est vôtre car vous en obtiendrez inévitablement une connaissance qui vous sera propre.

Quand on s’apprête à méditer sur la respiration, la première chose à faire est de s’assoir avec le dos droit et de stabiliser son attention. Inspirez. Expirez. Faites en sorte que la respiration soit ressentie comme ouverte et détendue. Évitez toute tension dans les mains, les pieds ou les articulations. Vous devez maintenir votre corps dans une posture qui vous paraît juste pour votre respiration. Au début, inspirez et expirez longuement, assez fortement. Peu à peu, la respiration ralentira d’elle-même ; elle sera parfois forte et parfois légère – prenez-en conscience. Ensuite inspirez et expirez brièvement pendant dix à quinze minutes et puis changez.

Au bout d’un moment, quand on maintient l’attention concentrée dessus, la respiration change peu à peu. Observez ce changement pendant aussi longtemps que vous voudrez et puis prenez conscience de l’ensemble de la respiration, de toutes ses sensations subtiles. C’est la troisième étape ; la troisième étape de la première tétrade, sabba-kaya-patisamvedi : se concentrer pour voir comment la respiration affecte tout le corps en observant toutes les sensations du souffle dans toutes les parties du corps et, en particulier, les sensations liées à l’inspiration et à l’expiration.

À partir de là, vous vous concentrez sur la sensation de la respiration en un seul point, là où vous voulez. Quand vous vous concentrez ainsi pendant assez longtemps, le corps – la respiration – va peu à peu s’immobiliser complètement et l’esprit va s’apaiser. En d’autres termes, la respiration s’apaise en même temps que la conscience de la respiration. Quand les subtilités du souffle s’apaisent en même temps que votre présence attentive se renforce, la respiration devient encore plus paisible. Toutes les sensations dans le corps deviennent progressivement de plus en plus paisibles. C’est la quatrième étape : l’apaisement des formations corporelles.

Dès que cela se produit, vous commencez à prendre conscience des sentiments qui apparaissent avec l’apaisement du corps et de l’esprit. Que ce soit des sentiments de plaisir ou de joie, ils sont suffisamment clairs pour que vous les contempliez.

Les étapes par lesquelles vous êtes déjà passé – observer le souffle entrer et sortir, respirer longuement et brièvement – devraient suffire à vous faire comprendre, même si vous ne vous y êtes pas arrêté, que le souffle est changeant. Il change continuellement, passant par des respirations longues et courtes, lourdes et légères, etc. Ceci doit vous permettre de « lire » le souffle, de comprendre qu’il n’y a absolument rien de permanent en lui ; il change de lui-même d’un instant à l’autre.

Une fois que vous avez réalisé l’aspect impermanent du corps – ici, de la respiration – vous serez en mesure de voir les subtiles sensations de plaisir et de douleur dans le domaine du ressenti. À présent, nous observons donc les sensations et les ressentis qu’elles occasionnent. Nous les observons précisément là où nous nous sommes concentrés sur la respiration. Même si ce sont des sensations qui naissent de l’apaisement du corps et de l’esprit, elles sont tout de même impermanentes dans cet état d’apaisement. Elles peuvent encore changer. Ainsi, ces sensations fluctuantes dans le domaine du ressenti exposent leur impermanence d’elles-mêmes et en elles-mêmes, exactement comme la respiration.

Quand on voit le changement constant dans le corps, dans les sensations et dans l’esprit, cela s’appelle « voir le Dhamma », c’est-à-dire voir l’impermanence. Il faut comprendre cela correctement. La pratique de la première tétrade de la méditation sur la respiration contient toutes les quatre tétrades. Autrement dit, vous voyez l’impermanence du corps, puis vous contemplez les sensations. Vous voyez l’impermanence des sensations, puis vous contemplez l’esprit. L’esprit, lui aussi, est impermanent. Cette impermanence de l’esprit est le Dhamma. Voir le Dhamma, c’est voir cette impermanence.

Quand vous voyez la véritable nature de tout ce qui est impermanent, continuez à suivre cette impermanence à tout moment, avec chaque inspiration et chaque expiration. Maintenez cette observation dans toutes vos activités pour voir ce qui se passe après.

Ce qui se passe après, c’est l’abandon de l’attirance pour les choses, le lâcher-prise. Voilà une chose dont vous devez faire vous-même l’expérience.

Voilà à quoi ressemble la méditation sur la respiration dans sa forme condensée. Je l’appelle « condensée » parce qu’elle contient toutes les étapes en même temps. Vous n’êtes pas obligé d’avancer un pas après l’autre. Concentrez-vous simplement sur un point, le corps, et vous verrez l’impermanence du corps. Quand vous voyez clairement l’impermanence du corps, vous verrez forcément les sensations, et les sensations vous montreront nécessairement leur impermanence. La sensibilité de l’esprit aux sensations, comme ses pensées et ses fabrications imaginaires, sont également impermanentes. Toutes ces choses ne cessent de changer. Voilà comment vous prenez conscience de la réalité de l’impermanence de tous les phénomènes.

Si vous pouvez développer une certaine facilité à observer et à découvrir les choses ainsi, vous allez être frappé par l’impermanence, la souffrance et l’impersonnalité de votre « moi ». C’est alors que vous rencontrerez le Dhamma authentique. Le Dhamma qui change constamment comme un feu brûlant – attisé par l’impermanence, la souffrance et le non-soi – est le Dhamma de l’impermanence de tous les phénomènes. Mais plus en profondeur, dans l’esprit ou dans les replis de la conscience, il y a quelque chose de spécial qu’aucun feu ne peut atteindre. Là, il n’y a aucune souffrance, de quelque type que ce soit.

On dit que cette chose est « à l’intérieur ». On pourrait dire qu’elle est contenue dans l’esprit mais elle n’est pas vraiment dans l’esprit. C’est simplement que le contact se fait là, au niveau de l’esprit. Il n’y a aucun moyen de décrire cette « chose ». Seule l’extinction de toutes les pollutions mentales vous conduira à la connaître par vous-même.

Ce quelque chose de spécial à l’intérieur existe de par sa nature même mais les pollutions l’entourent de toutes parts. Toutes ces choses surfaites, ces pollutions mentales, ne cessent de bloquer son chemin et s’emparent de tout, de sorte que cette nature spéciale reste toujours emprisonnée.

En réalité, il n’y a rien dans la dimension temporelle qui puisse lui être comparé. Rien qui permette de lui donner un nom. Mais c’est quelque chose que vous pouvez découvrir : vous pouvez passer au travers des pollutions, du désir et de l’attachement et atteindre l’état d’esprit qui est pur, lumineux et silencieux. C’est là tout ce qui importe.

Alors, n’est-ce pas quelque chose qui vaut la peine que l’on avance pour le découvrir ?

La première partie du texte initial examine les aspects essentiels des conséquences des pollutions mentales, l’importance de la sagesse et de la vertu qui doivent accompagner la méditation. Elle est à découvrir sur le site internet animé par Jeanne Schut : http://www.dhammadelaforet.org/sommaire/kee/meditation_souffle.html

[1] Le Satipatthana sutta est un discours de Gautama Bouddha décrivant l'établissement de l'attention : « Les quatre applications de la présence d'esprit sont la seule Voie conduisant à l'atteinte de la purification, à la maîtrise de la douleur et des lamentations, à la cessation de la peine et du chagrin, à l'entrée à la Voie parfaite et à la réalisation du Nibbāna1. » Il y a quatre types d'attention : l'attention au corps, l'attention aux sensations, l'attention à l'esprit, l'attention aux formations mentales.



La première partie du texte initial examine les aspects essentiels des conséquences des pollutions mentales, l’importance de la sagesse et de la vertu qui doivent accompagner la méditation. Elle est à découvrir sur le site internet animé par Jeanne Schut : http://www.dhammadelaforet.org/sommaire/kee/meditation_souffle.html


Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°1 (Hiver 2016)

Traduction de Jeanne Schut


 


Au fil du XXe siècle, Upasika Kee Nanayon (1901-1978) est devenue l’un des plus grands maîtres de méditation de Thaïlande, chose d’autant plus remarquable qu’elle n’a jamais pris de vœux monastiques. Terre à terre, directe, rafraîchissante et souvent drôle, son honnêteté absolue et ses encouragements répétés font d’elle une figure tout à fait unique en son genre et très aimée de nombreux enseignants bouddhistes contemporains.


bottom of page