Par Ajahn Suriyo
Traduction : Jeanne Schut
Traditionnellement on décrit cinq obstacles et il est bon de les connaître, car nous sommes tous susceptibles d’en souffrir. En ce qui me concerne, avant de commencer une session de méditation, je passe en revue ces cinq obstacles et j’essaie de voir celui qui prédomine à ce moment-là dans mon cœur et mon mental. Très souvent un de ces obstacles est plus présent que les autres et, si nous n’en sommes pas conscients, il va miner notre méditation.
Les deux premiers obstacles sont un peu comme des flammes hautes : ils montent vite et brûlent fort, mais cela ne dure pas longtemps. Le premier s’appelle rāgacanda : le mental est happé par un violent désir sensoriel et en particulier sexuel. Rāgacanda peut être davantage une tendance latente qu’un feu dévorant, mais s’il se réveille trop souvent au point de faire obstacle à la méditation, le Bouddha a proposé comme antidote de centrer son attention sur les aspects repoussants du corps humain.
Le second obstacle est l’hostilité ou la mauvaise volonté. Là encore, c’est souvent un feu rapide et brûlant, mais qui s’éteint assez facilement. Par exemple, vous avez peut-être été agacé par un chauffard ou par quelqu’un qui a cogné votre pare-chocs, de sorte que, en rentrant chez vous, vous étiez encore très irrité. Ce type d’indignation ou d’irritation est comme un charbon rougeoyant, toujours présent à l’état latent et nous n’en sommes pas forcément conscients. Par contre, si nous constatons que nous sommes assaillis par l’hostilité dans notre méditation, nous pouvons avoir recours à l’antidote approprié : la bienveillance envers tous les êtres. Celle-ci est d’ailleurs une méditation à part entière. Nous pouvons commencer par générer un sentiment de bonne volonté en évoquant une personne que nous aimons et quand nous parvenons à garder et préserver ce sentiment d’amour dans notre cœur, nous pouvons petit à petit émettre cette bienveillance de plus en plus loin jusqu’à l’étendre à tous les êtres. Cette méditation permettra de calmer la brûlure de l’indignation ou de la mauvaise volonté.
Le troisième obstacle est probablement le plus répandu ; il englobe en fait deux aspects différents de notre vécu : l’agitation et l’inquiétude. Cet obstacle est celui qui nous donne le plus de mal dans notre méditation, en particulier pour ceux d’entre nous qui aiment réfléchir. Nous ne trouvons plus le bouton « stop » et les roues de la machine à penser ne s’arrêtent pas de tourner. Ou alors, nous avons tendance à nous inquiéter de tout : de notre santé, de notre famille, de la planète… Toutes ces choses méritent certainement que l’on s’en préoccupe, mais si nous prenons l’habitude de nous inquiéter, nous n’arrivons plus à nous arrêter. Le Bouddha a prescrit un antidote très simple contre ce mal : porter notre attention sur l’inspiration et l’expiration.
Le quatrième obstacle se traduit généralement par « sommeil » ou « léthargie » — il ne s’agit pas de fatigue physique — et vous en avez peut-être fait l’expérience dans votre méditation. Avant de commencer votre méditation vous vous sentez en pleine forme, plein d’énergie, et puis vous vous installez sur votre coussin et cinq ou dix minutes plus tard vous avez l’impression qu’un poids lourd pèse sur votre tête ou qu’un brouillard épais s’étend sur vous et ce qui vous plairait le plus au monde à ce moment-là, c’est aller faire un petit somme quelque part. Si vous avez déjà vécu cela, vous savez qu’il y a quelque chose d’étrange là-dedans, ce n’est pas un processus physique, mais quelque chose qui est généré par l’esprit. Le Bouddha a prescrit différentes méthodes pour combattre cette léthargie. Il parle, par exemple, de visualiser une lumière. Si vous êtes capable de générer l’image d’une lumière intérieure dans l’esprit, c’est excellent, mais pour beaucoup d’entre nous, c’est assez difficile à réaliser. Donc parfois la meilleure chose à faire, c’est d’ouvrir les yeux et de permettre à la lumière extérieure de stimuler notre attention.
Le cinquième obstacle est le doute et c’est peut-être l’obstacle le plus difficile à combattre. En effet, quand on essaie de résoudre le doute par la pensée, il arrive que les choses deviennent de plus en plus confuses. Pour dépasser le doute, nous devons essayer de développer la confiance et pour cela, il est bénéfique de se tourner vers des personnes en lesquelles nous avons déjà confiance et puis simplement écouter ce qu’elles ont à nous dire. Si nous n’avons pas la chance d’avoir un maître ou un enseignant à proximité, de nos jours il y a toujours la possibilité de lire des ouvrages.
Il faut de nombreuses années pour développer une bonne qualité de méditation. Donc, ne vous découragez pas si vous trouvez cela difficile au début. Si tout va bien, vous allez progressivement prendre goût au calme et à la paix que fait naître cet exercice.
En pratiquant samādhi — en développant la concentration de l’esprit sur un point unique, comme par exemple le va-et-vient du souffle — notre attention, sati, va se renforcer.
Certaines personnes pensent qu’on ne médite que quand on est assis sur un coussin et quand ils quittent le lieu de méditation, ils ne gardent rien de cette capacité à centrer et poser leur esprit. Mais quand on commence à utiliser un objet de méditation, c’est comme s’il se créait une relation d’amitié avec lui. Ainsi, quand on pratique l’observation de la respiration on devient de plus en plus proche de cette respiration et après quelques années de pratique, on constate que l’attention revient tout naturellement à l’objet de méditation sans que l’on fasse le moindre effort dans ce sens. Pour atteindre ce stade, il faut que notre pratique soit régulière.
Extrait des Livrets du Refuge, mis gracieusement à disposition sur le site : www.refugebouddhique.com
Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°19 (Automne 2021)

Moine de nationalité américaine appartenant à la tradition de la Forêt, Ajahn Suriyo a été ordonné bhikkhu à Chithurst par Ajahn Sumedho en 1990. De 1994 à 2003, il vécut en Thaïlande où pendant quelque temps il fut « phra tudong » — moine errant — et étudia auprès de Payutto Bhikkhu, maître scolastique de grande renommée. Actuellement il est le doyen du monastère Hartridge dans le Devon au sud de l’Angleterre.