Par Soizic Michelot
Allez, je prends le risque… Il a fait trop chaud pour se taire !
La méditation n’est pas du développement personnel. Je répète, la méditation n’est pas du développement personnel. Je dis « méditation » mais je pourrais dire « méditation de pleine conscience » ou « mindfulness ».
La méditation n’est pas du développement personnel parce qu’il n’y a rien à développer et parce qu’il n’y a rien de personnel.
Rien à développer mais tout à déconstruire, à dévoiler. Rien à faire mais tout à laisser-faire. Et rien de personnel car en méditant on vient apprendre, ou plutôt dé-couvrir, qu’il n’y a rien — justement — de personnel. Ni les montagnes, ni le ciel, ni les nuages, ni « son » corps, ni « ses » pensées, ni « ses » idées, ni « ses » peines, ni « ses » joies, ni « sa » respiration…
En méditant, on vient apprendre ou plutôt dé-couvrir que les sentiments d’identité et de propriété ne sont que des constructions. Que tous les phénomènes, internes et externes, apparaissent et disparaissent naturellement sans l’intervention d’un « je / moi » décisionnaire et tout-puissant.
La méditation n’est pas une pratique de développement personnel, la méditation est une pratique de dépossession.
Et si des applis proposent de mesurer notre score quotidien de bonheur, si des ouvrages nous encouragent à devenir une meilleure version de nous-mêmes, à avoir un minimum de 3 kifs par jour, à prendre pleinement en main notre « capital de chill » et si historiquement — et les rayons des librairies en témoignent — nous n’avons jamais été aussi obsédés par le bonheur et la quête d’épanouissement personnel, depuis 2 600 ans, la tradition bouddhiste — dont est issue la Pleine Conscience — ne cesse de montrer les revers de cette quête.
D’ailleurs le Bouddha, qui a priori n’était pas un homme plus déprimé ou rabat-joie que les autres, passait son temps à rappeler quelques observations simples, aussi nommées les « trois marques de l’existence » :
1 - La souffrance
2 - L’impermanence
3 - Le non-soi
La souffrance, parce que, qu’on le veuille ou non, être un humain c’est pas si simple. Être un humain, c’est forcément rencontrer la séparation, la vieillesse, la maladie, la mort, la détresse physique et psychique et faire l’expérience d’un certain degré de frustration. Être un humain, c’est aussi s’exposer à l’impermanence ou à l’expérience incontournable du changement. Enfin être un humain, c’est faire beaucoup d’efforts pour essayer de consolider un « moi », « un mien » mais se rendre compte régulièrement que « tout cela » est très fragile.
En résumé, le Bouddha n’était pas un marchand de bonheur mais tout au plus un joyeux marchand de réalisme obnubilé par la déconstruction des représentations sur le bonheur.
Quant à la méditation, elle n’a jamais eu l’intention de faire du bien-être émotionnel une nouvelle source de comparaison sociale voir d’individualisme, de transformer le bonheur en un nouvel enjeu de performance, ou de faire de la résilience une forme supplémentaire de méritocratie mais de nous faire basculer des valeurs « bonheur » et « épanouissement personnel » vers les valeurs « interdépendance » et « bien commun ».
En ce sens, non seulement la méditation n’est pas du développement personnel mais elle pourrait même être entendue comme un acte de résistance pour s’en libérer.
Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistesn°23 (Automne 2022)
Soizic Michelot a passé sept ans dans un monastère bouddhiste dont trois ans en retraite traditionnelle. Formée aux approches laïques de pleine conscience (université de Brown, É.-U.), elle enseigne la méditation de pleine conscience sous la forme du programme MBSR en secteur hospitalier, universitaire et auprès du grand public.