Par Tenzin Ösel Hita
Traduction : Marie-Christine Peixoto

Nous entendons souvent parler de la nature de Bouddha. Il y en a deux types : l’un est la nature de Bouddha par nature et l’autre est la nature de Bouddha par l’entraînement de l’esprit.
C’est un peu comme dire que nous possédons la graine d’un arbre mais que cela ne suffit pas. Nous devons créer les circonstances, les conditions et les causes pour que cette graine pousse : l’eau, la terre, l’air, le soleil, la bienveillance et le dévouement. Ce sont ces aspects qui sont nécessaires pour libérer et faire croître le potentiel de la graine en un arbre.
D’une certaine manière, on peut dire que l’arbre est à l’intérieur de la graine, ou même qu’il y a une forêt entière dans cette graine, mais ce n’est qu’un potentiel. L’arbre ou la forêt ne sont pas encore là, n’est-ce pas ? La nature de Bouddha est déjà là, comme le potentiel de la graine. Alors si nous ne créons pas les causes et les conditions pour que la graine pousse correctement, il est impossible que le résultat de ce potentiel devienne une réalité.
« Nous avons une occasion extraordinaire de pratiquer le Dharma, de comprendre la nature de notre esprit et de déployer notre potentiel. »
C’est pourquoi l’entraînement de l’esprit est l’aspect important de la nature de Bouddha. Si nous ne travaillons pas, si nous ne faisons pas d’efforts, nous perdons une opportunité. Nous passons à côté de quelque chose d’extrêmement positif dans notre vie. C’est un peu comme l’exemple que donne Ling Rinpoché dans ses conférences : nous nous trouvons sur une île complètement isolée dont personne ne connaît l’existence, un lieu super-secret, au milieu des océans, comme l’Atlantide. Quand on y arrive, on découvre qu’elle est pleine de pierres précieuses, de diamants, d’or, de rubis, d’émeraudes et de tous ces bijoux précieux qui ont tant de valeur à nos yeux. Nous arrivons donc sur cette île qui est remplie de si nombreuses richesses. Puis, nous partons. Nous retournons d’où nous venons, mais nous n’emportons même pas un seul petit bijou avec nous. N’est-ce pas un peu bizarre ? Je veux dire que la plupart d’entre nous auraient probablement envie de se remplir les poches. Non ?
Nous avons une occasion extraordinaire de pratiquer le Dharma, de comprendre la nature de notre esprit et de déployer notre potentiel. Nous avons toutes ces connaissances qui ont été transmises de génération en génération par des personnes qui ont atteint des réalisations uniques et qui ont compris la méthode universelle pour comprendre notre nature – un processus qui fonctionne pour tout le monde. Nous devrions vouloir saisir tout ce que nous pouvons comme les pierres précieuses de cette île. Ce n’est pas comme si la méthode fonctionnait pour certains et pas pour d’autres. Non. C’est une vérité universelle. Nous devons comprendre que c’est une opportunité rare dans notre vie et en faire bon usage. Ne pas en faire bon usage, c’est étrange. Le Dharma fait pourtant référence au fait que nous souffrons, et qu’il existe une solution à cette souffrance qui nous donne le pouvoir de la dépasser. Nous devons être conscients de l’impermanence, du fait que tout change, constamment.
Il est bon d’avoir un objectif, de se dire : « Bon, je veux aller dans cette direction. » Cependant, si l’endroit où vous voulez aller est trop éloigné, il peut être assez difficile de savoir comment y parvenir. Même s’il est bon d’avoir un objectif, nous devons donc faire des petits pas. Nous devons y aller doucement, lentement. Le Dalaï-Lama parle du « cœur chaleureux ». C’est une très bonne entrée en matière pour comprendre le concept de la bodhicitta. Comment avoir un cœur chaleureux ? Il faut comprendre qu’il est très difficile d’aimer les autres si vous ne vous aimez pas vous-même, qu’il est impossible d’être patient avec les autres si vous n’êtes pas patient avec vous-même et qu’il est difficile d’être humble si vous n’êtes pas humble avec vous-même. Tout ce que vous voulez donner commence en vous. Si vous ne mettez pas en pratique ces concepts avec vous-même, ce sera difficile et vous en viendrez rapidement à blâmer les autres. « Oh, j’ai perdu patience avec telle ou telle personne. » Non ! Vous n’aurez pas perdu patience avec cette personne. Vous aurez perdu patience avec vous-même. Lorsque vous perdez patience avec vous-même, vous blâmez les autres.
La nature de Bouddha est comme un don que nous avons. Nous l’avons toujours eu mais, dans cette vie, nous pouvons créer la cause nécessaire à la croissance de cette graine. C’est la raison pour laquelle nous abordons le sujet ici. D’une certaine manière, nous cherchons. Tout le monde cherche quelque chose, non ? Que cherchons-nous ? Nous cherchons le bonheur. Nous cherchons l’épanouissement, à nous sentir bien, à être heureux. Ce n’est pas non plus un bonheur temporaire que nous voulons. Et nous voulons aussi résoudre nos souffrances temporaires.
C’est la raison pour laquelle nous cherchons. Nous voulons comprendre. Le concept le plus fondamental est que le bonheur ne vient pas de l’égoïsme ou de l’autosatisfaction. Le vrai bonheur vient d’un sentiment et d’un désir sincère d’être utile et de rendre service. C’est vraiment de là que vient la satisfaction, voyez-vous ? Vous ressentez une sorte d’accomplissement. Quand on accomplit quelque chose au prix d’un grand effort et qu’on obtient un grand résultat, on se sent bien. C’est ce que nous essayons d’obtenir.
Par où commencer ? Les premières étapes sont la motivation et la gratitude. Bien sûr, vous devez avoir un cœur chaleureux et de l’amour. « Amour » est un mot qui pose problème.
Il peut parfois induire en confusion, parce que vous pensez que « l’amour n’est pas bon », qu’il « fait souffrir », ou quelque chose d’approchant. Ce n’est pas l’amour qui vous fait souffrir. C’est plutôt une attitude d’attachement qui perturbe votre paix. Vous confondez l’attachement et l’amour. C’est l’une des erreurs. On accuse l’amour. Il n’est pourtant pas mauvais. C’est l’attachement qui est basé sur une attitude égocentrique (« À moi, à moi, je veux, je veux... »). Nous avons peur... de perdre, peur de tant de choses. Cela crée une sorte d’esprit déséquilibré. Il est important d’être conscient de la peur. Lorsque vous décidez quelque chose, alors assurez-vous que votre décision n’est pas basée sur la peur : c’est très important.
Publié avec l’aimable autorisation de Tenzin Ösel Hita, one-big-love.com
Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°19 (Automne 2021)

Tenzin Ösel Hita Torres est né en 1985 en Espagne. Âgé de 14 mois, Ösel est reconnu par Sa Sainteté le Dalaï-Lama comme étant la réincarnation de lama Thubten Yéshé. En 1991, il commence à vivre à l’université monastique de Séra Djé au sud de l’Inde, où il a vécu et étudié jusqu’à ses 18 ans. Ösel a alors décidé de quitter la vie monastique pour découvrir les manières de vivre et de penser contemporaines.