Comme d’une sculpture de glace

Se défaire des attachements

Par Lama Jigmé Rinpoché

Il est dit que l’attachement est un obstacle à la réalisation, mais qu’il est difficile de se détacher, car on a peur. Qui est ce « on » ? Est-ce l’ego ? A-t-il peur de disparaître ?

Lama Jigmé Rinpoché : Nous avons l’habitude de dire que la peur vient de l’ego, mais il faut comprendre ce que recouvre le terme « ego ». Dès que nos habitudes sont quelque peu bousculées, la peur de la perte se manifeste immédiatement. Le détachement n’est pas qu’une question de volonté : nous ne pouvons pas mettre de côté l’attachement ; cependant si nous voulons évoluer selon le processus naturel de la pratique, le détachement est important. Pour y parvenir, nous devons intégrer une compréhension qui naîtra d’une analyse de la réalité combinée à la pratique. L’attachement se relâchera alors graduellement, même si la différence est difficilement perceptible.

Par exemple, nous pouvons être attachés à une belle sculpture en glace, mais nous savons que la glace est éphémère et que cette sculpture est amenée à fondre. La connaissance de la nature de la glace nous permet de savoir qu’elle fondra inéluctablement, l’attachement s’avère donc naturellement moins fort. L’attachement à l’objet est diminué, ce qui ne nous empêche pas de percevoir la beauté de la sculpture.

Comprendre le sens permet d’évoluer dans cette direction.

L’enseignement des Quatre Vérités des êtres nobles explique la souffrance, son origine et le fait qu’elle peut prendre fin grâce au chemin à parcourir. En reliant cet enseignement à l’impermanence et à l’illusion dont chaque être est prisonnier, nous pourrons remonter à la cause de la plupart de nos insatisfactions, c’est-à-dire à notre interprétation émotionnelle et conceptuelle des événements : tout ce que nous rencontrons est divisé en bon et en mauvais, attirant ou repoussant. Aveuglés par notre manque de compréhension, nous agissons sur la base de ces émotions et nos actes s’avèrent souvent négatifs, ce qui génère inévitablement des tourments. Nous devons discerner très clairement ce fonctionnement pour savoir quelles sont les conditions de vie à mettre en place afin de modifier notre perception et ainsi être moins attachés.

La prise de conscience constitue la base du changement, sinon l’habitude ne pourra pas être enrayée. Il s’agit ici d’une compréhension logique fondée sur une analyse. Nous avons beaucoup d’idées et il s’avère difficile pour nous de concentrer notre attention ; là est le problème : l’esprit est constamment interrompu. Cependant, en nous donnant les moyens d’accomplir cet examen, nous pouvons acquérir une vision globale qui permet de voir clairement si quelque chose a du sens ou pas ; c’est ainsi que l’attachement diminuera.

Se libérer totalement de l’attachement est difficile, la première étape, accessible à tous, consiste à en réduire l’intensité.

Extrait du livret « Les trois options de pratique », avril et mai 2010, Éditions Dzambala.

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Lama Jigmé Rinpoché est un maître enseignant de la lignée Kagyupa du

bouddhisme tibétain. Il est le directeur spirituel du centre Dhagpo Kagyu Ling en Dordogne. Depuis trente ans, lama Jigmé Rinpoché rencontre des personnes issues de disciplines, de cultures et d’horizons différents, ce qui lui a permis d’acquérir une profonde connaissance des Occidentaux. Ici, le maître répond à une question posée à la fin d’un enseignement lors d’une retraite d’étude et de méditation.