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Chercher & trouver du sens

Photo du rédacteur: Sagesses BouddhistesSagesses Bouddhistes

Un séjour au monastère


Propos recueillis par Stanislas Wang-Genh, moine zen

 


Émilie Lecomte, 30 ans, a une voix claire et posée. Elle a rencontré le temple zen de Ryumuon-Ji il y a deux ans et y a vécu pendant un an. Elle fait une pause hors du temple pendant l’été et y retournera en septembre.


Comment as-tu commencé à pratiquer et pourquoi ?

Après une première expérience de méditation, j’ai continué à pratiquer toute seule et j’ai cherché ensuite une communauté au sein de laquelle je pouvais continuer à pratiquer. Je suis tombée par hasard sur le zen et le temple de Ryumon-Ji. Je cherchais un lieu pour la pratique de la méditation, pas forcément dans l’école zen.

J’ai tout de suite réalisé que c’était l’endroit que je recherchais. Je ne connaissais pas le bouddhisme, encore moins le zen, et c’était vraiment une découverte, une révélation. Je recherchais, à y regarder maintenant, des enseignements, d’autres pratiquants, une communauté de pratique et ne plus être seule à méditer de mon côté.

La méditation a maintenant une place centrale dans ma vie. La découverte de la méditation et le début de ma pratique ont été en quelque sorte ce qui m’a « sauvé la vie ». J’étais dans un épisode dépressif, compliqué. La méditation m’a permis de passer au travers, de continuer, de m’alléger, etc.

Une expérience d’un an au monastère m’a apporté beaucoup de belles choses. Le sentiment d’avoir trouvé ma place après l’avoir cherchée longtemps, pendant des années, sans la trouver. Cette expérience m’a permis de me faire confiance et de m’ouvrir aux autres.


Il fallait le cadre du monastère pour ça ?

Je crois oui. Le fait d’être dans une énergie de groupe bienveillante où on t’accepte telle que tu es m’a permis de m’accepter telle que j’étais. Le cadre était aidant, oui. J’ai pratiqué longtemps la méditation en étant un peu isolée et j’ai conscience maintenant de ce que l’énergie du groupe peut apporter : le vécu commun, les partages entre individus et ce qui nous relie, une sorte de force « d’être humain », une intelligence de la vie, une aspiration partagée. C’est beau.


Étais-tu en quête d’un sens ? Pourquoi ?

Bien sûr (rires). Cela faisait des années que je trouvais que ma vie n’avait pas forcément de sens. Le fait d’arriver en Asie, de découvrir très rapidement une approche et une vision plus spirituelles de la vie a soulevé beaucoup de questions en moi et m’a poussée à chercher un sens à ma vie. J’avais besoin d’autre chose, que le bouddhisme et la méditation m’apportent maintenant au fil des jours : la pratique assise quotidienne de zazen et des séjours de plusieurs mois au monastère.


Comment ça se passe chez toi ?

Le fait de repartir vivre à l’extérieur du monastère pendant ces quelques semaines me permet d’intégrer dans le cœur une année de pratique au monastère et de faire le point sur ce que je veux faire ensuite. Je me suis aménagé un petit autel, un coin pour faire zazen, mon coussin.


Tu as renouvelé ta prise de vœux faite l’année dernière, pourquoi ?

Il y a un an, je me suis engagée à protéger les préceptes. C’est un travail de tous les jours que de préserver les préceptes. Aujourd’hui, c’est important pour moi de renouveler mon engagement.

 


Sarah Herzog, jeune Allemande de 26 ans, suit un cursus pour être professeure des écoles. Elle est venue à Ryumon-Ji à plusieurs reprises en 2021 pour des retraites d’une semaine. Lors de son dernier séjour, elle est finalement restée quatre mois, sans perdre le fil de ses études.


Qu’est-ce qui vous a amenée ici, dans un temple zen ?

J’avais pratiqué zazen il y a quelques années. En 2017, j’ai eu un grave accident qui a failli me coûter la vie, j’ai remis pas mal de choses en question… le rôle de victime d’une enfance difficile, ma manière de passer en force dans les situations. Je suis revenue une semaine ici, même si je doutais que la pratique de zazen soit vraiment faite pour moi. Mais le contact avec cette communauté tellement bienveillante et ouverte était loin des a priori que j’avais construits. Cela m’a rendue curieuse et j’ai continué. J’ai compris que je pouvais aller au-delà de mes réactions habituelles aux situations en m’ajustant mieux à elles, grâce à la pratique de zazen qui fonctionne si bien. Nous dépensons tellement inutilement d’énergie à fuir l’instant présent !

Je ne sais pas encore si je vais installer une pratique de méditation dans ma vie quotidienne. Je ne sais pas si mon travail le permettra et si je serai capable de me lever à 6 heures du matin pour m’installer sur le coussin, même si je le fais tout simplement ici. Je me suis engagée à suivre les préceptes. Ils font sens pour moi, que ce soit en y réfléchissant de manière globale dans une société organisée, pour les autres, mais aussi à un niveau très personnel et quotidien. J’adore l’idée que l’on puisse les préserver en tous lieux et toutes situations : ils constituent une direction, une orientation que l’on donne à sa vie au-delà d’un « Ne fais pas ceci — ne fais pas cela ». Je me suis sentie très libre en entendant que les préceptes pouvaient être endommagés par erreur sans que cela soit un drame. C’est très nouveau pour moi de me dire que je peux m’engager de cette manière pour me connaître un peu plus en profondeur.

 

 


Gaël Senrei Soler, 28 ans, a été enseignant puis a travaillé plusieurs années dans l’action humanitaire à Madagascar.


Comment es-tu arrivé au temple de Ryumon-Ji et pourquoi être resté ?

C’était un projet que j’avais depuis des années, je cherchais des retraites silencieuses. Je suis arrivé ici il y a six mois et je vais continuer jusqu’à décembre. J’aime cette immersion que je vis ici et le fait d’être guidé. Pendant toutes ces années en Afrique, j’ai dû pratiquer tout seul en ayant le sentiment d’être le seul bouddhiste de la région et c’est loin d’être évident. J’ai vraiment voulu profiter, depuis mon retour en France, de la possibilité de pratiquer zazen en groupe et de rencontrer d’autres pratiquants, des enseignants qui accompagnent parce que c’est beaucoup plus facile d’être porté par le courant que d’aller contre.


Pourquoi le zen ?

J’ai découvert zazen il y a neuf ans dans un dojo et après beaucoup de lectures sur les soutras originaux, le bouddhisme tibétain, le theravada, je me sens maintenant dans une pratique de zazen en toute connaissance de cause.

Au quotidien, la pratique épure beaucoup de ce qui n’est pas nécessaire. J’aime beaucoup ce retour à la simplicité du bouddhisme où l’on évite de se complexifier. Le bouddhisme est pour moi un très beau moyen d’être heureux, concret et efficace — ce que je n’ai pas trouvé ailleurs où on me disait de ne pas être en colère sans me donner les moyens de ne pas l’être. C’est hyper dur de ne pas se mettre en colère ! Ici, nous avons zazen. Cela fait neuf ans et j’ai l’impression d’être juste un débutant — ce qui est, à ce que l’on dit, une bonne chose. Rester dans le présent n’est pas une chose facile du tout. Ça peut faire mal aux genoux mais ça fait du bien à la tête.

Le sens de préserver les préceptes est un engagement. Depuis des années, je lis le matin et j’examine le sens des préceptes qui sont des comportements éthiques, et je me dis qu’aujourd’hui, j’aimerais par exemple « ne pas tuer » et quand arrive le soir, j’examine ce que j’ai fait ; je regarde si ça correspond à une défaillance et j’exprime le regret de l’avoir fait. C’est un exercice très simple qui prend 5 minutes le soir ou le matin et qui peut changer notre vie. Considérer le fait de ne pas tuer peut prendre une dimension immense, cela peut te faire devenir végétarien, cela peut te donner envie d’aider les gens dans d’autres pays…


[1] Les préceptes bouddhistes ici évoqués guident la vie quotidienne en conduisant vers une existence plus juste : parole juste, action juste, moyens d’existence justes… Suivre les préceptes nous aide à créer un rapport approprié avec les autres existences et manifeste notre responsabilité dans le monde.

 

Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°19 (Automne 2021)

 


Émilie, Sarah et Gaël sont trois jeunes pratiquants expriment ce qu’ils rencontrent au monastère Ryumon-Ji, de l’école zen Sôtô, en Alsace, à l’occasion de la cérémonie de transmission des préceptes[1] de conduite éthique.

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