top of page
loading-gif.gif

Voici ce que je dirais à Woody Allen

Photo du rédacteur: Sagesses BouddhistesSagesses Bouddhistes

Extrait de Living is dying *

Traduction : Sagesses Bouddhistes

 

 

Woody Allen est souvent cité comme ayant dit :

« Je n’ai pas peur de mourir, mais je ne veux pas être là quand ça arrive. »

Malheureusement pour Woody Allen, il est probable qu’il soit beaucoup plus « là » et conscient au moment de la mort qu’il ne l’était à aucun autre moment de sa vie. Alors, qu’est-ce que je dirais à quelqu’un comme Woody Allen sur la façon de se préparer à la mort ?

S’il était ouvert à cela, je mentionnerais la grande vision de la bodhicitta d’amour, de compassion et de désir d’éclairer tous les êtres sensibles. Je lui dirais aussi que tout ce que nous voyons, entendons, touchons, etc. – y compris la naissance et la mort – est une projection créée par notre propre esprit.

Je le guiderais alors pas-à-pas dans une pratique de pleine conscience pour qu’il puisse s’habituer à l’idée que tout est illusion projetée par l’esprit.

 

Pratique de la pleine conscience

Woody, regardez votre café. Il suffit de le regarder. Si, en regardant votre café, vous vous retrouvez en train de penser à votre voiture, ramenez votre esprit à votre café. Essayez de faire ceci à quelques reprises.

Si vous le souhaitez, vous pouvez maintenant aller plus loin.

Au lieu de vous concentrer sur votre café, regardez la pensée qui vous traverse l’esprit en ce moment même.

Il vous suffit de fixer cette pensée. Observez-la simplement.

Ne laissez pas la pensée s’enchevêtrer avec votre prochaine pensée. Ne l’analysez pas, ne la rejetez pas, ne l’adoptez pas et ne la prenez pas au sérieux.

Une pensée n’a pas besoin d’être intéressante pour qu’elle vaille la peine d’être regardée fixement. Même si la pensée est la plus mondaine, banale et ennuyeuse des pensées qui vous soient jamais venues à l’esprit, posez votre attention dessus, sans essayer de l’ajuster ou de l’améliorer.

Voici ce que je dirais à Woody Allen. Et je le répéterais encore et encore.

En mettant mes conseils en pratique, Woody, vous réaliserez à quel point l’esprit est puissant. Vous verrez aussi par vous-même que c’est l’esprit qui crée continuellement des projections, et l’esprit qui oublie instantanément ce qu’il vient de faire. Vous verrez comment l’esprit commence à croire que tout ce qu’il perçoit en dehors de lui-même est réel et « là », puis oublie qu’il a créé lui-même ces projections.


Une fois que l’esprit est convaincu que tout est « extérieur » et « séparé », il commence à apprendre à se rendre étranger à ses propres projections. Convaincu qu’il est totalement distinct de ce qu’il perçoit, il projette toutes sortes d’idées et de concepts qu’il va ensuite poursuivre. C’est donc l’esprit qui projette le concept de « dieu » pour ensuite décrire des cercles pour essayer de trouver ce dieu. L’esprit est tellement masochiste ! C’est comme s’il voulait se sentir étranger à dieu, juste pour avoir quelque chose à prier.

Une fois que vous réalisez que tout ce que vous voyez est projeté par votre propre esprit, vous êtes sur la bonne voie pour comprendre que « tout » comprend nécessairement la naissance, la mort, vivre et mourir. Cette information et cette pratique vous aideront à relâcher votre agrippement à vos idées sur ce qu’est vraiment « vivre ». Vous commencerez à réaliser que la vie et le fait de vivre font simplement partie d’une autre illusion. Ceci étant dit, Woody, je vous recommande fortement d’aller maintenant dans votre club de jazz préféré pour écouter la musique que vous aimez. Ne perdez pas de temps ! Dépensez tout votre argent en faisant tout ce que vous avez toujours eu envie de faire. Et essayez de rendre les autres heureux aussi, parce que rendre les autres heureux vous rendra heureux. Voici ce que je dirais à Woody Allen.

 


 

Appliquer l’attention :

Comme chaque moment de la vie implique aussi une petite mort, la vie elle-même nous offre de nombreuses occasions d’entrevoir la mort. La plupart des gens de nos jours sont tellement distraits que peu d’entre eux réussissent à tirer profit de ces occasions. Néanmoins, il existe un moyen de se relier aux petites morts de la vie qui vous aideront à vous préparer à la mort de votre corps à la fin de cette vie.

Tout ce que vous avez à faire, c’est de constater qu’il y a une mort en toute chose que vous faites et à chaque instant – dans une relation, un mariage, un style de vie, une tasse de café presque vide.

À bien des égards, cette méthode semble trop simple pour être vraiment efficace. Pourtant, cette simple prise de conscience est la clé pour comprendre que la mort fait partie de chaque moment de la vie.

Apprenez comment être conscient de ce qui se passe en étant dégagé de l’impression d’avoir toujours à faire quelque chose. Il suffit de constater.

Ironiquement, les changements et les petites morts que nous vivons dans la vie apportent beaucoup plus de bien que de mal – même si nous faisons toujours un si grand drame de tout, en particulier des changements que nous qualifions de « mauvais ». Apprenez donc à profiter de la vie et à l’apprécier au lieu de ruminer sur les choses qui échappent à votre contrôle.

 


 


Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°9 (Hiver 2019)

 


Dzongar Jamyang Khyentsé Rinpoché (Khyentsé Norbu) est un lama tibétain qui voyage et enseigne dans le monde entier. Auteur de plusieurs ouvrages, cinéaste primé, directeur de l’organisation Siddhartha’s Intent, il est également l’abbé de plusieurs monastères en Asie et le directeur spirituel de centres de méditation en Amérique, Australie et Asie.

bottom of page