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Ré-incarnez-vous... maintenant !

Photo du rédacteur: Sagesses BouddhistesSagesses Bouddhistes

 

Je ne sais pas si vous avez remarqué mais, dans leurs vies antérieures, les gens sont souvent pharaons, chamans ou Cléopâtre. Plus rares sont les réincarnations de serfs, courtiers en bourse ou même termites... Bizarre, n’est-ce pas ? Est-ce parce que ces derniers se sont empressés, à peine passés de vie à trépas, d’oublier au plus vite leur expérience malheureuse ? Est-ce parce qu’ils ont tant souhaité une vie meilleure que le passage vers l’au-delà s’est transformé en un immense « erase » de leur disque dur karmique ? À moins que la réincarnation ne soit en fait un secret soigneusement gardé : réservé aux élus, à ceux qui auront fait (bien consciencieusement) leurs 100 000 prosternations et joyeusement abandonné leur ego, en compagnie de leurs rotules, sur les tapis de fleurs de l’abnégation. Ni vous ni moi, donc. Enfin vous peut-être...

 

Et pourtant : tout ceci semblait bien sympathique ! Reprendre corps, ré-intégrer la vie, ressentir à nouveau, laisser battre ce petit cœur comme pour la première fois ! Se ré-incarner : se re-mettre dans son corps, bien au chaud à l’intérieur de notre petite maison et sentir pleinement le goût d’un bon thé vert se diffusant dans la bouche tout entière.

 

Cette simple évocation me fait saliver. Mon cerveau (toujours à l’affut de ce qui est agréable) en profite mine de rien pour m’envoyer cette idée (ding !) : et si on commençait déjà par s’incarner maintenant ? Juste pour faire l’expérience, comme ça, d’une vie pleinement vécue.

Mais quelle bonne idée ! Merci petit cerveau ! (Note au lecteur : vous avez pu constater, dans la phrase précédente, un présupposé selon lequel la conscience serait dans le cerveau. Rien n’est moins sûr... Les neuroscientifiques de tous poils, scrutant à la loupe les méandres du cortex, découvrent des impulsions électriques mais en perdent leur latin... Mais d’où vient la conscience alors ? Est-ce qu’elle existe ? Et qui est en train d’écrire ces lignes !!?... Ommm... Avant de disjoncter sous ce flux de questions métaphysiques, une petite gorgée de thé vert...)

Donc, cette idée magique : et si nous nous réincarnions maintenant ?

Finies alors toutes ces heures dans la tête, déconnectés du réel à penser la vie plutôt qu’à la vivre. Terminées les « prises de tête », les « je pense trop », les « je vais exploser » : l’heure est à l’incarnation ! Retour au corps et aux sensations, retour à la respiration du moment, aux doux parfums des épices en hiver et à la chaleur d’une bouillotte dans le lit.

Le chemin proposé n’est pas nouveau cependant. Dans le Satipatthana Sutta (sûtra sur l’établissement de l’attention), le Bouddha décrit avec minutie tous les points de ressenti du corps que nous pouvons développer. Car, sous une apparente légèreté, le chemin de l’incarnation « en temps réel », l’accès à la sensation pure, demande un réel effort : celui de diriger volontairement son énergie vers le corps, dix mille fois par jour... voire plus.

Mais, pour qui s’élance sur cette Voie de connaissance, les découvertes seront nombreuses, infinies, époustouflantes : un nouveau monde s’ouvre, plein de promesses. Alors ? Prêts à vous ré-incarner ?


Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°6 (Printemps 2018)

 

Kankyo Tannier est nonne de la tradition zen Sôtô et auteur du blog www.dailyzen.fr.

Elle pratique depuis quinze ans dans un monastère en Alsace.

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