Par Ryôkan
Le soir, zazen face aux montagnes,
Les soucis du quotidien se font fugaces.
Assis, stable sur le zafu, devant la fenêtre vide.
Le bâton d’encens s’est consumé, la nuit s’ouvre…
Les nuages ont saisi les grands pics,
Sur les chemins, plus de traces de pas.
Parfois la pluie sur les carreaux,
Au loin les cris des hommes.
Dans le calme de ma hutte de paille,
Tout n’est que joie et paix.
Au cœur de l’assise silencieuse, la fumée de l’encens,
Le temps n’a plus de prise.
Saison d’automne qui s’achève,
Le ciel devient blanc
Les arbres offrent leurs feuilles aux montagnes,
Que les passants désertent.
Comme ces feuilles sèches, des pensées me reviennent,
Emporté par le vent, délavé par la pluie,
Le passé comme un rêve ne trouve plus d’appui.
Sur ma robe de moine, le givre se dépose,
Frissonnant je me lève et médite en marchant.
Dans ce silence la porte reste fermée,
Seuls les bambous tentent de gagner le ciel.
Les herbes sèches couvrent les marches,
Le sac et le bâton restent accrochés au mur.
L’encens éteint est sans fumée,
L’ermitage vide est au-delà du monde,
Le coucou cherche une compagne,
La lune se lève et mange les cimes de neige.
Nuit d’hiver dans le petit ermitage,
Volutes d’encens et temps qui passe,
Seuls les bambous veulent atteindre le ciel…
Ce poème est paru dans Sagesses Bouddhistes n°20 (Hiver 2021/22)
Ryôkan Taigu (1758-1831) est l’un des moines zen les plus célèbres et est encore populaire de nos jours au Japon. Poète mais aussi calligraphe, son œuvre constitue le témoignage d’une vie intérieure intense, consacrée à la recherche de la Voie. Installé dans une modeste hutte au pied du mont Kugami, il vit de l’aumône ; il ne dispense aucun enseignement, préférant jouer à cache-cache avec les enfants du village. Sa vie d’ermite est souvent la matière de ses poèmes.
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