Par Thich Nhât Hanh
Ce poème a été écrit pendant la guerre du Vietnam. La vie de Thich Nhât Hanh et celle de ses étudiants étaient quotidiennement en danger. Pourtant, ce poème encourage la perspicacité, la compassion et le pardon.
Promets-moi aujourd’hui,
Alors que le soleil est juste au-dessus de nos têtes ,
De te rappeler, ma sœur, mon frère
Même s’ils te terrassentSous une montagne de haine et de violence,
Que l’homme n’est pas notre ennemi.
Noble est la compassion,la haine
ne peut répondre à la violence,
la haine ne te laissera jamais affronter
la bête qui est en l’homme.
Et un jour,
quand tu feras face à la bête,
seul, ton courage intact,
Tes yeux pleins de gentillesse,
Alors de ton sourirenaîtra une fleur.
Et tous ceux qui t’aiment
seront tes témoins
par-delà dix mille mondes de naissance et de mort.
Seul de nouveau,
je continuerai la tête baissée,
mais connaissant l’immortalité de l’amour.
Et sur la longue et dure route,
le soleil et la lune brilleront tour à tour
Éclairant mon chemin.
« L’homme n’est pas notre ennemi. Notre ennemi est la haine, la colère, l’ignorance et la peur. »
Thich Nhât Hanh raconte l’histoire de ce poème
J’ai écrit ce poème en 1965 tout particulièrement pour les jeunes de l’École de la jeunesse pour le service social qui ont risqué leur vie chaque jour durant la guerre, en leur recommandant de se préparer à mourir sans haine. Certains avaient déjà été tués violemment, et j’ai alors averti les autres du danger de la haine. Notre ennemi est notre colère, notre haine, notre convoitise, notre fanatisme et notre discrimination envers les hommes. Si vous mourez par la violence, vous devez méditer sur la compassion afin de pardonner à ceux qui vous tuent. Lorsque vous mourez en réalisant cette attitude de compassion, vous êtes vraiment un enfant de l’Éveillé. Même si vous mourez opprimé, dans la honte et la brutalité, si vous pouvez sourire en pardonnant, vous avez un grand pouvoir.
En relisant les lignes de ce poème, j’ai soudain compris un passage du Soutra du Diamant qui parle de kshanti, l’endurance ou la tolérance : « Ton courage intact, tes yeux pleins de bonté, tranquilles (même si personne ne peut les voir), de ton sourire une fleur s’épanouira. Et ceux qui t’aiment te verront pendant dix mille mondes de naissance et de mort. »
Si vous mourez dans une attitude de compassion, vous êtes come une torche qui éclaire notre chemin. Avant de s’immoler par le feu, Nhât Chi Mai, un des premières membres de l’ordre de l’Inter-Être, lut ce poème qu’elle enregistra sur une cassette pour ses parents.
« Seul à nouveau, j’irai tête inclinée afin de vous voir, de vous connaître, de me souvenir de vous. Votre amour est devenu éternel. Sur la route longue et rude, le soleil et la lune continueront de briller. » Lorsqu’une relation mature existe entre les gens, il y a toujours de la compassion et du pardon. Dans notre vie, nous avons besoin que les autres nous voient et nous reconnaissent pour nous sentir soutenus.
Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°15 (Automne 2020)
Né en 1926 au Vietnam central, Thich Nhât Hanh devient moine à l’âge de 16 ans. Maître bouddhiste zen vietnamien, poète, jardinier, inlassable défenseur de la paix, il a fondé en 1982 la communauté du Village des Pruniers, situé dans le sud-ouest de la France.