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  • Photo du rédacteurSagesses Bouddhistes

Les enseignements des feuilles jaunes


Le 15 mars 2022

Récemment, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire les mots d’un sportif américain. Il disait qu’il n’avait jamais eu beaucoup de talent naturel, mais qu’il avait réussi en « étant bon pour s’améliorer ». Quelle merveilleuse phrase ! L’amour de l’apprentissage, la persévérance, la continuité dans l’application, le souci des petits détails et la réalisation de gains marginaux réguliers sont les maîtres mots des champions en formation. Un nageur médaillé d’or olympique a commenté : « Les gens ne savent pas à quel point le succès est ordinaire. » En tant que bouddhistes, nous pourrions ajouter que lorsque nous assumons l’entière responsabilité de l’ordinaire, s’ouvre la porte de l’extraordinaire.

La méditation peut être frustrante lorsque nous désirons des gains plus que marginaux, lorsque nous déployons des efforts moins qu’optimaux. Beaucoup de gens veulent la paix de l’esprit sans abandonner les causes de son absence. Un bon correctif à cette tendance est d’établir des objectifs dans la pratique elle-même. En prenant chaque élément de la pratique du Dhamma, nous pouvons nous résoudre à « être bons pour nous améliorer ». Les gains marginaux s’accumulent.



Le 19 avril 2022

Il y a quelque chose avec la colère qui fait qu’elle semble être la réaction la plus appropriée face à des comportements ou des événements qui sont cruels, cruellement stupides ou stupidement cruels. L’émotion qu’est la colère semble nous donner le carburant nécessaire afin de maintenir la motivation de combattre l’injustice et l’oppression. Elle semble être la seule alternative à l’enfoncement dans la soumission et le désespoir. Se sentir en colère est la preuve que nous nous soucions des choses.

Mais la colère est toujours une erreur, quelle que soit son origine. Elle prend sa racine dans une vue erronée du pourquoi et du comment les choses se produisent.

Les actions qu’elle provoque produisent quelquefois des gains à court terme, mais elles mènent toujours à de lourdes pertes à long terme. La colère ronge presque tout ce qui est bon en nous.

La colère nous précipite dans le piège de la pensée manichéenne. Elle alimente des idées de « nous » et « eux » qui sont la cause principale de tout conflit. Des solutions durables à des problèmes complexes sont trouvées par des esprits libres de préjugés et avec la clarté et la patience nécessaires pour comprendre pleinement le tissu de causes et de conditions qui prévalent. Un esprit en colère est trop grossier pour envisager autre chose que la façon d’infliger un maximum de souffrance à l’ennemi du moment.


Le 12 mars 2022

Je n’ai jamais été un étudiant enthousiaste des sciences dures. Un sujet de physique a cependant retenu mon attention. J’ai découvert que la lumière pouvait être conçue comme étant composée soit de particules, soit d’ondes. J’étais fasciné par le fait qu’une seule entité pouvait être perçue de deux manières qui apparemment s’excluent mutuellement. La meilleure explication que j’ai trouvée est la suivante : si vous posez à la lumière des questions sur les particules, elle vous donnera des réponses sur les particules. Si vous lui posez des questions sur les ondes, elle vous donnera des réponses sur les ondes.

Plus tard j’ai considéré que l’esprit est quelque peu similaire à la lumière à cet égard. Si vous posez à l’esprit des questions sur le contenu, il vous donne des réponses sur le contenu. Si vous lui posez des questions sur le processus, il vous donne des réponses sur le processus.

Les questions de contenu sont importantes. Nous devons nous poser des questions telles que : « Sur quelles bases est-ce que je considère que c’est vrai ? Dans cette situation, quelle est la bonne chose à faire ? Est-ce bénéfique ? Est-ce que penser de cette façon sur ce sujet me rapproche de la libération de la souffrance ou m’y attache plus fermement ? »

Mais les questions de contenu ne peuvent nous mener que jusqu’à un certain point sur la voie bouddhiste. Nous devons également savoir comment faire passer notre attention du contenu au processus. Nous demandons : « Qu’est-ce qui conditionne l’apparition de cet état mental ? Qu’est-ce qui conditionne sa disparition ? Puis-je observer cette apparition et cette disparition, la nature universelle de tous les phénomènes, en temps réel comme une expérience directe ? »

C’est en déplaçant l’accent du contenu vers le processus que notre pratique du Dhamma devient profonde.



Le 2 avril 2022

Hier, je suis arrivé en Angleterre et je suis allé rendre visite à mon seul oncle encore en vie. Il a 93 ans et son esprit est encore très vif. Bien qu’il vive seul, la maison de sa fille est visible depuis sa cuisine et il a de nombreux amis. Chaque mur de sa maison et chaque étagère sont couverts de photos de famille. Il dit qu’en comptant les petits-enfants, les arrière-petits-enfants et leurs enfants, il y en a 51 en tout. Lorsqu’il se promène et que sa jambe lui fait mal, il passe en revue leurs noms un par un. Cela lui permet de ne plus penser à la douleur et d’entretenir sa mémoire.

La fille de mon oncle appartient à un groupe chrétien. Il ne s’y est pas joint, mais depuis dix ans, il assiste une fois par semaine à une de leurs réunions. Il dit que ce qu’il apprécie dans ce groupe c’est qu’ils s’efforcent de vivre selon leurs croyances et qu’ils prennent soin les uns des autres. Il dit qu’après la mort de sa femme, il a pensé que c’était le genre de personnes qu’il voulait côtoyer. « En fin de compte, dit-il simplement, tout est une question d’amour ».

Il y a deux jours, mon oncle a eu une petite opération pour enlever une excroissance au niveau du cou. Il attend les résultats de la biopsie. Il semble complètement serein. Lorsque nous nous sommes quittés, il a dit en souriant : « Je n’ai pas à me plaindre. J’ai eu une bonne vie. »

Pour le reste de la journée, la pureté de cœur, une qualité qui s’était révélée si magnifiquement au cours de notre conversation, a été mon objet de méditation.



Le 8 février 2022

Les perfectionnistes sont obsédés par le moindre défaut et se plaignent que personne d’autre n’en voit l’importance comme eux. Ils souffrent généralement de stress et d’anxiété liés à leur travail, qu’ils déversent sur leur entourage, en particulier sur leurs partenaires et collègues.

Les perfectionnistes peuvent donner l’impression de vivre sur un plan supérieur au nôtre, à quelques pas seulement d’une réalisation exceptionnelle. Mais en fait, les perfectionnistes ne sont pas des héros sur la route du succès ; ils sont piégés dans une profonde ornière.

Le perfectionnisme n’est pas, je pense, entièrement mauvais. Le problème est qu’il est défini de manière trop étroite. Je suggérerais de l’élargir pour inclure l’impeccabilité des actions et des états mentaux des perfectionnistes eux-mêmes. En d’autres termes, si un résultat presque parfait est obtenu par la malhonnêteté, en prenant des raccourcis ou en maltraitant son entourage, le résultat ne sera pas parfait. Si le résultat est superbe, mais que celui qui produit ce résultat est plein de déception, de dépression ou de désespoir, alors l’imperfection principale ne se trouve pas dans les petits défauts du produit. Elle se trouve dans les réactions immatures de son producteur à l’égard de ces défauts.

Un modèle sain de perfection ne se concentre pas uniquement sur les résultats à court terme. Il accorde une importance centrale aux processus et aux relations à long terme. À tout moment, la perfection n’est pas un blanc pur et éternel. C’est — compte tenu des conditions actuelles dans ce monde intrinsèquement imparfait et changeant — le mélange de couleurs le plus harmonieux possible au moment présent.



Le 5 avril 2022

Il y a quelques jours, j’étais assis dans le kuti de l’abbé d’un monastère de la forêt au sud de la Norvège. C’était un jour lumineux et sans vent. À travers la fenêtre en verre trempé du kuti, la forêt semblait complètement silencieuse et j’étais assis tranquillement à regarder ce silence. Après un moment, je suis devenu conscient d’un mouvement presque imperceptible. Je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’une feuille, haut dans un arbre à ma droite. Quelques moments plus tard, à ma gauche, une autre feuille s’est mise à frémir. Au fil du temps, avec une vigilance détendue, j’ai remarqué d’autres petits frémissements, presque invisibles. Après quelque temps, une légère brise a balayé la forêt et une myriade de feuilles y ont réagi.

Plusieurs jours plus tard, en Angleterre, une méditante m’a dit que son esprit accédait facilement au calme, mais qu’elle se demandait quoi faire après. Je lui ai dit que l’esprit est comme une forêt norvégienne. Continuez à regarder.



Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°22 (Été2022).

Les enseignements des feuilles jaunes sont de courts textes manuscrits, traduits par un groupe de volontaires et diffusés sur les réseaux sociaux : www.ajahnjayasaro.fr


 

©Panyaprateep Foundation

Ajahn Jayasaro est ordonné bhikkhu en 1980, avec le vénérable Ajahn Chah comme précepteur. Il vit actuellement dans un ermitage au pied des montagnes de Khao Yai, non loin de Bangkok, en Thaïlande. Il est également une figure clé du mouvement visant à intégrer les principes bouddhistes de développement dans le système éducatif thaïlandais. Nombre de ses conférences sur le Dhamma sont diffusées à la radio, à la télévision et sur les médias numériques.

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