Lettre à un ami mort
Par Brad Warner
Cher Marky,
J’ai publié six livres sur le zen, et il y a longtemps que je ne compte plus le nombre d’articles, billets de blog, conférences et vidéos dans lesquels j’aborde le sujet du non-soi. Dans tous les livres que j’ai écrits et, je dirais, dans environ vingt pour cent ou plus de tous les autres écrits, discours et vidéos que j’ai faits, j’ai essayé de dire quelque chose de compréhensible à ce sujet. J’ai aussi lu les tentatives de beaucoup d’autres personnes de se frotter à cette question.Voilà de quoi je voudrais te parler aujourd’hui. C’est le plus mal compris de tous les sujets du bouddhisme : l’idée qu’il n’existe pas de soi.
Il m’a fallu au moins dix ans de ma vie avec l’idée de non-existence du soi en tête pour avoir enfin l’impression de l’avoir vraiment comprise. Je sais que ce ne sera pas de la tarte, mais je vais t’écrire, mon ami défunt, une lettre sur le sujet que tu aurais, je crois, comprise quand tu étais encore parmi nous et que tu étais mon ami bien vivant. Souhaite-moi bonne chance !
Selon Bouddha, tu n’as pas de soi. Et pas seulement parce que tu es mort. Tu n’avais pas de soi non plus quand tu étais vivant, pas plus que moi.
En général, ceux qui entendent cette idée trouvent ça bizarre.
Pour la plupart d’entre nous, il n’y a rien de plus évident que le fait que le soi existe. Comme chacun le sait, René Descartes a dit : « Je pense, donc je suis. » On ne peut pas faire plus simple.
Quand ton médecin a diagnostiqué ton cancer, quelqu’un a ressenti un choc et a été bouleversé d’entendre qu’il allait mourir bien plus tôt qu’il ne l’imaginait. Qui allait mourir ? Toi. À qui ne puis-je plus parler de Ren & Stimpy[1] ou des mash-ups bizarres des chansons de Glen Danzig sur YouTube ? À toi.
Donc, de toute évidence, tu avais un soi. Peut-être est-ce toujours le cas. Je n’en sais rien. Mais c’est certain, tu en avais un quand tu étais en vie. Et moi aussi, du moins pour l’instant. Pas vrai ?
Parce que s’il n’y a pas de soi, alors qui est en train de te parler de l’absence de soi ? Hein ?
Mais le Bouddha ne disait pas qu’on n’existe pas. Il ne disait pas qu’on ne ressent pas de chagrin quand quelqu’un de proche meurt. Il ne prétendait pas que nous ayons tort de penser que nous sommes bien réels.
Ce qu’il disait, c’est que le concept du soi comme moyen d’expliquer ces phénomènes réels est complètement erroné. C’est la mauvaise façon de comprendre la réalité. Il nous empêche d’avancer. Il nous empêche de voir la vérité de ce que nous sommes vraiment.
L’idée du soi implique que nous sommes une seule et unique chose, et que le noyau de cette chose ne change jamais. Elle implique qu’au fond, le soi est toujours la même chose, peu importe ce qui lui arrive.
Mais nous savons que rien ne reste pareil à jamais. Toi, aucun doute, tu as beaucoup changé ! Tu es passé de gamin le plus coincé de l’école à l’un des mecs les plus cool de la ville. Toute ton attitude a changé. La mienne aussi, d’une autre façon. On peut dire que je ne suis plus la même personne qu’à l’époque où j’allais au lycée de Wadsworth. Tout le monde change.
Mais qu’en est-il de l’espèce de noyau au centre de tout ça ?
Je reconnais qu’on ne peut pas nier une certaine continuité. J’ai appris à jouer de la basse au lycée, et je sais toujours en jouer aujourd’hui. Je suis donc quelque chose qui, avant, ne savait pas jouer de la basse, et qui, maintenant, peut en jouer.
La plupart des gens diraient que le soi se transforme avec des changements comme ceux-là. Il y a d’abord un soi qui ne sait pas jouer de la basse, puis il y a le même soi qui peut en jouer. D’abord, il y a un soi qui n’a pas vu le dernier Star Wars, puis, deux heures plus tard, le même soi regrette d’avoir gaspillé son argent pour ça. Pour nous, il est parfaitement évident que chaque personne est une entité distincte et indépendante. Par conséquent, j’ai un soi, tu as – ou du moins tu avais – un soi, Glen Danzig a un soi, Henry Rollins[2] a un soi, et ainsi de suite. Il y a plus de sept milliards de soi rien que parmi les humains sur cette seule planète. Beaucoup d’entre nous affirment que les animaux ont aussi un soi, donc on peut en rajouter quelques milliards si on y croit. Et qui sait combien d’autres soi peuvent exister sur d’autres planètes ?
Les bouddhistes ne nient pas que les choses ont bel et bien cette apparence. Ils ne nient même pas que, pour des raisons pratiques, nous pouvons agir comme si c’était la vérité. Si mon père lâche une caisse, ce n’est pas moi qu’on doit tenir pour responsable de l’odeur. Même un bouddhiste ne ferait pas ça. […]
Dans son livre Éloge de l’insécurité, Alan Watts[3] écrit : Pendant que vous contemplez cette expérience présente, avez-vous conscience de quelqu’un qui la regarde ? Pouvez-vous trouver, en plus de l’expérience elle-même, un expérimentateur ? Pouvez- vous simultanément lire cette phrase et penser à vous-même en train de la lire ? Vous trouverez que pour penser à vous-même en train de la lire, vous devez arrêter de lire une brève seconde. La première expérience est de lire. La seconde expérience est la pensée : « Je lis. » Pouvez-vous trouver aucun penseur qui formule la pensée : « Je lis » ? En d’autres termes, lorsque l’expérience présente est la pensée « je lis », pouvez-vous penser à vous-même formulant cette pensée ?
Il n’y a pas de soi à défendre lorsque quelqu’un m’insulte. Il n’y a pas de soi que je me sente obligé de rendre meilleur que le soi d’un autre. Il n’y a pas de soi sur lequel m’apitoyer. Il n’y a pas de soi que je dois améliorer. Il n’y a pas de soi que je dois sans arrêt m’efforcer de définir dans ma tête en me rappelant les douleurs et les triomphes que j’ai connus.
On ne peut pas savoir ce qu’on est de façon objective car on ne peut pas sortir de soi pour s’observer soi-même. Nous faisons toujours obstacle à notre propre compréhension de qui nous sommes. On peut donc tout aussi bien dire que toute idée qu’on a de soi-même est « vide », car ce n’est au mieux que de la spéculation.
Mais ça ne s’arrête pas là. Puisque le soi est vide de toute substance immuable et permanente en son centre, cela veut aussi dire qu’il est complètement libre. Si on peut même relâcher l’emprise qu’on a sur soi, alors on peut y arriver pour tout le reste.
Seulement, cela nous ramène à la question de savoir qui relâche cette emprise.
La meilleure réponse est : je ne sais pas. On peut voir ça comme une esquive. Mais le fait d’être conscient que je ne sais pas qui ou ce que je suis m’a rendu moins soucieux de beaucoup de choses qui, je crois, préoccupent la plupart des gens.
Il n’y a pas de soi à défendre lorsque quelqu’un m’insulte. Il n’y a pas de soi que je me sente obligé de rendre meilleur que le soi d’un autre. Il n’y a pas de soi sur lequel m’apitoyer. Il n’y a pas de soi que je dois améliorer. Il n’y a pas de soi que je dois sans arrêt m’efforcer de définir dans ma tête en me rappelant les douleurs et les triomphes que j’ai connus.
Ce dernier point m’a été d’une grande utilité. Je ne sais pas très bien comment l’expliquer. Je vais quand même essayer.
À un certain moment de ma pratique de zazen, j’ai remarqué que je dépensais une énergie considérable à essayer de définir qui j’étais à moi-même. Il se passait certaines choses, et j’essayais de me faire une opinion à leur sujet. Je devais, par exemple, décider si j’étais, ou non, en faveur du président actuel des États-Unis. Et je tenais à être cohérent.
Disons que je pouvais changer d’avis sur le président, pour garder cet exemple. Mais il fallait que je trouve un raisonnement cohérent expliquant pourquoi, à un moment, je n’aimais pas le président, et pourquoi plus tard je l’aimais bien, ou inversement. Tout devait se rapporter à quelque chose appelé « moi », et qui avait une certaine logique. Pour moi, en tout cas.
Ce n’est qu’un petit exemple. J’avais remarqué que je passais ma vie à faire ça – chaque minute de chaque jour, ou même chaque seconde de chaque minute, ou chaque nanoseconde de… Enfin, je crois que tu as compris.
Je ne m’étais jamais aperçu des efforts que ça demandait, comme c’était quelque chose que je faisais quasiment depuis toujours. Je ne voyais même pas ça comme des efforts puisque ça semblait se faire tout seul. Ça ne paraissait pas délibéré.
Dans un essai, Dôgen décrit la pratique de zazen comme « faire un pas en arrière et retourner la lampe pour qu’elle éclaire à l’intérieur ». Quand on fait zazen, tout est calme et on se tient immobile.
En fait, ça semblait se faire même quand je ne le voulais pas. Par exemple, je me souviens être parfois resté éveillé toute la nuit parce que quelqu’un m’avait fait quelque chose qui menaçait mon idée de qui j’étais. Par exemple, quelqu’un m’avait quitté, et avait ainsi menacé l’image d’une personne digne d’être aimée que j’avais de moi. C’est arrivé quelquefois au Clubhouse quand tu étais là, et tu te souviens peut-être m’avoir entendu me plaindre à cause de ça. Toutes sortes de choses pouvaient envoyer mon cerveau tourbillonner dans une masse horrible de pensées et d’émotions, toutes basées sur ce sentiment profond de qui j’étais.
Bien entendu, je ne l’ai pas tout de suite compris comme ça. Je me disais : « Je ne peux pas arrêter de penser à [nom au choix] ! » Car ça semblait vraiment être le cas. Malgré tous mes efforts, les pensées continuaient de surgir. C’était comme s’il n’y avait aucun moyen de s’en débarrasser. Ces pensées semblaient être produites et vécues par quelque chose que j’appelais « moi ». J’avais l’impression qu’il y avait presque deux entités distinctes – l’une qui produisait ces pensées et ces émotions, et l’autre qui les recevait et les vivait. C’était comme si j’avais deux moi, et que l’un embêtait vraiment l’autre et ne voulait pas la fermer pour que l’autre puisse se reposer un peu.
Mais c’était absurde, parce que je semblais aussi n’avoir qu’un seul moi, pour toutes les raisons déjà soulignées dans cette lettre. Il ne peut pas y avoir deux moi !
Pourtant, d’une certaine façon, l’idée d’un soi double peut servir d’outil pour saisir pourquoi les bouddhistes disent qu’il n’y a pas de soi.
Dans un essai intitulé Recommandations générales concernant les règles du zazen, Dôgen décrit la pratique de zazen comme « faire un pas en arrière et retourner la lampe pour qu’elle éclaire à l’intérieur ». Quand on fait zazen, tout est calme et on se tient immobile. […]
On le fait dans un endroit où l’on peut raisonnablement s’attendre à ne pas devoir se préoccuper de distractions extérieures.
Une fois dans ce lieu calme, on a la chance de s’observer soi-même d’une façon qui serait impossible en présence de nombreuses distractions. Cela permet de faire un pas en arrière, au sens métaphorique, et de retourner la lampe de l’attention vers son propre esprit plutôt que vers l’extérieur, comme nous le faisons d’habitude. Ainsi, l’attention peut prendre l’esprit comme objet. C’est un peu pareil que d’être dérangé par des pensées qu’on ne peut pas s’empêcher d’avoir. Comme je l’ai dit, c’est comme s’il y avait un soi silencieux qui observait un autre soi en train de bavarder bruyamment sans pouvoir lui clouer le bec. Souvent, on mesure encore mieux à quel point notre esprit blablate à longueur de temps.
Ça peut donner l’impression que les choses ont empiré au lieu de s’améliorer. Mais ce n’est qu’une illusion. Les choses sont tout bonnement comme elles l’ont toujours été, sauf que maintenant, elles parviennent à notre conscience.
Petit à petit, à mesure que de moins en moins de pensées se manifestent pendant ce moment qu’on s’est réservé pour faire zazen, l’esprit commence à se calmer. Une fois que le bruit et le bavardage des pensées commencent à diminuer, on devient petit à petit plus conscient de l’autre soi, celui qui observe tout ce bruit et ce bavardage.
Dôgen a dit : « En étudiant le soi, on oublie le soi. » Tandis qu’on étudie ce soi qui observe en silence, l’autre sensation du soi – le soi qui bavarde sans arrêt – commence à devenir de moins en moins importante. En s’observant en train d’expliquer et définir qui l’on est à soi-même, on prend conscience qu’il n’y a pas vraiment d’utilité à le faire. Ressasser ses propres opinions devient d’un ennui mortel, et l’on se rend compte qu’on a consacré une énergie incroyable à une activité mentale qui n’est même pas nécessaire.
Dans son essai mentionné précédemment, Dôgen dit ensuite qu’« oublier le soi, c’est être illuminé par tout ». Il n’y a plus cette sensation d’un « moi » posté à l’intérieur de soi et séparé à jamais de tout le reste. On commence à se voir – à voir ce « moi » qu’on croyait n’être propre qu’à soi – dans chacun et dans tout.
Puis Dôgen ajoute : « Quand on est illuminé par tout, notre propre corps et notre propre esprit, ainsi que tous les autres corps et esprits, s’évanouissent. » Le sentiment de soi n’est plus le principal point de référence. Il est toujours présent. On peut y accéder à tout moment. Seulement, il n’occupe plus une position centrale. Tout ça s’évanouit, et l’on se rend compte que ce n’est pas seulement soi qui fait quelque chose. C’est tout l’univers qui devient clair. Aux yeux de qui ? Ça n’a plus aucune importance.
Dôgen finit sa mini-attaque contre le soi en disant qu’« il ne reste aucune trace d’une quelconque prise de conscience. Et cette absence de trace continue à jamais ». On ne vit pas une prise de conscience, car le point de référence appelé « soi » est oublié.
Bien sûr, plus tard, on peut consciemment se remémorer cette expérience. Mais on aura aussi à l’esprit que les souvenirs qu’on en garde ne sont pas la même chose que l’expérience proprement dite, pas plus que ton souvenir d’un concert de KISS n’est la même chose qu’un concert de KISS.
Tu trouves sûrement tout ça un peu bizarre.
Je vais tenter de l’expliquer autrement. Tenons-nous-en à l’idée d’être quelqu’un avec deux soi. Un soi, appelons-le Soi numéro un, est tout chamboulé parce que sa copine l’a quitté. En même temps, Soi numéro deux est plus ou moins en train d’observer ce chamboulement et d’en faire l’expérience. Peut-être qu’en vérité nous ne sommes pas vraiment Soi numéro un mais plutôt Soi numéro deux. Et c’est ce Soi numéro un que nous pouvons commencer à observer quand nous méditons.
Bien sûr, tout ça n’est qu’une métaphore. Il n’y a pas vraiment deux soi. Mais on peut dire que notre personnalité n’est pas notre soi. Nos sentiments ne sont pas notre soi. Nos expériences ne sont pas notre soi. On pourrait continuer longtemps comme ça. Les bouddhistes ont donc renoncé à tout répertorier, et ont décrété qu’il n’y avait pas de soi. Ça ne veut pas dire que tous ces trucs-là n’existent pas. Mais l’idée que toutes ces choses – tous ces « amas » ou « agrégats » comme les appelaient les anciens bouddhistes – sont une seule et même chose unifiée constituant le vrai « moi » commence à paraître absurde. Mieux vaut complètement abandonner cette idée.
Les nouveaux venus au bouddhisme entendent parfois certaines idées sur la dissolution, voire l’annihilation de l’ego, et s’inquiètent de perdre le sens de leur identité s’ils commencent à méditer. Mais ce n’est pas ce qui se passe. Moi aussi j’avais ces peurs-là. Mais j’ai observé mes enseignants et j’ai remarqué qu’ils avaient tous deux des personnalités très fortes et bien définies. À l’évidence, la méditation ne les avait pas transformés en droïdes sans âme, ni personnalité ou caractère propres.
Malheureusement, cependant, quand je visite des centres de méditation, je tombe souvent sur des personnes qui ont l’air de faire tout leur possible pour se transformer en caricature de ce qu’elles imaginent qu’une personne zen devrait être, soit, en règle générale, une chose informe au regard vide sans opinion ni émotion. Mais elles ne font que cultiver une autre personnalité – un autre concept de leur soi.
Des expressions comme « dissoudre » ou « anéantir » l’ego sont trompeuses. Je pense comprendre pourquoi on les a utilisées par le passé. D’une certaine manière, on a bien l’impression que l’ego se dissout. Mais il ne se dissout pas comme s’il avait été frappé par le phaseur de Monsieur Spock. Il se dissout plutôt comme un Alka-Seltzer dans un verre d’eau. Il est toujours là, mais maintenant qu’il est dissous, il peut mieux faire son travail.
J’ai le sentiment que nous sommes tous les pièces d’un immense puzzle formant l’univers. Chaque pièce doit avoir une certaine taille, forme et couleur afin de compléter correctement le puzzle. Si une des pièces de ce puzzle parvient à se transformer en une masse indéfinie, ronde, beige et sans particularités, alors elle ne peut plus remplir sa fonction et compléter le puzzle.
Donc, plutôt que d’éliminer sa personnalité ou de la lisser pour qu’elle devienne ce qu’on croit être une personnalité zen, mieux vaut découvrir plus exactement quelle sorte de pièce de puzzle bien précise on est déjà. C’est ce que semblent avoir fait mes enseignants zen, ainsi que tous les grands maîtres du passé. Ils avaient tous une personnalité bien nette. C’était très clair avec Kôdô Sawaki, mais aussi avec Dôgen, et Ikkyû, un moine bouddhiste zen du xive siècle qui était un personnage si extravagant qu’on fait toujours des dessins animés sur lui au Japon. Cette liste pourrait continuer indéfiniment. Mais si tu jettes un bref coup d’œil à l’histoire du zen, tu verras qu’elle est remplie de personnages très hauts en couleur.
Des expressions comme « dissoudre » ou « anéantir » l’ego sont trompeuses. Je pense comprendre pourquoi on les a utilisées par le passé. D’une certaine manière, on a bien l’impression que l’ego se dissout. Mais il ne se dissout pas comme s’il avait été frappé par le phaseur de Monsieur Spock. Il se dissout plutôt comme un Alka-Seltzer dans un verre d’eau. Il est toujours là, mais maintenant qu’il est dissout, il peut mieux faire son travail.
Quant à l’annihilation, je crois qu’on ne peut jamais anéantir l’ego. Il sera toujours là d’une façon ou d’une autre. Ce qui est annihilé, c’est la croyance que je suis ce que je pensais être. Ça ne veut pas dire que je ne devienne plus rien du tout. Seulement, je ne suis plus obsédé par une certaine image que j’ai de moi-même.
Ouf ! Tu n’as pas idée du temps que ça m’a pris d’écrire cette lettre !
Je ne sais pas du tout si le concept de non-soi te paraît plus clair qu’il ne l’était avant que tu commences à me lire. Je l’espère. Promis, j’écrirai sur autre chose la prochaine fois.
Garde ta fourche bien aiguisée ! Tu ne sais jamais quand tu en auras besoin !
Brad
[1] Ren & Stimpy est une série d’animation télévisée américaine qui met en scène un chihuahua émotionnellement instable (Ren) et Stimpson J. Cat (Stimpy), un chat bienveillant.
[2] Glen Danzig et Henry Rollins sont deux chanteurs punk hardcore qui ont commencé leur carrière dans les années 1980 aux États-Unis.
[3] Alan W. Watts, Éloge de l’insécurité, Éditions Payot et Rivages, 2003, p. 92, traduction de Benjamin Guérif.
Extraits de la douzième lettre de Zen et Punk, Lettres à un ami mort, paru aux Éditions L’Originel, 2020
Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°15 (Automne 2020)
Brad Warner est un enseignant zen. Après avoir été bassiste dans un groupe de punk rock de l’Ohio, il émigre au Japon dans un studio d’animation produisant une série télé fantastique très populaire, Ultraman, puis il rencontre le maître Gudô Nishijima Rôshi à Tôkyô, dont il suit les enseignements et reçoit la transmission avant d’enseigner lui-même. Iconoclaste, pétri de culture punk, ce cinéaste et blogueur est aussi le professeur fondateur de l’Angel City Zen Center à Los Angeles.