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LE LODJONG (བློ་སྦྱོང་)  Partie 2

Un commentaire actuel 

 

 

Le Lodjong, ou entraînement de l’esprit en sept points, est un très ancien recueil de préceptes permettant de transformer toute situation ordinaire, heureuse ou malheureuse en une opportunité d’ouverture et d’évolution intérieures. Grâce aux conseils ou instructions données, méditation et vie quotidienne s’enrichissent mutuellement. 

Le présent texte porte sur un commentaire en trois points sur l’esprit d’Éveil considéré du point de vue ultime puis relatif, qui sont décrits dans les premiers aphorismes du Lodjong (2 à 10, voir page précédente). 

 

Le premier pas : les phénomènes, le reflet de notre esprit 

Quand je suis arrivé en Dordogne quelqu’un a dit qu’il faisait chaud ici, mais comme j’arrive des régions tropicales je trouve qu’il faisait plutôt bon. C’est ce qu’il est dit dans la philosophie bouddhiste :  ce que nous voyons est basé sur notre expérience et nos habitudes.  Si vous avez trois seaux : l’un avec de l’eau chaude, un autre avec de l’eau froide et un autre encore avec de l’eau à température tiède, que vous mettez une main dans l’eau très chaude, l’autre dans l’eau très froide, et qu’après vous mettez les deux mains dans l’eau tiède, chaque main va ressentir la température de l’eau de manière très différente. Ce qui veut dire que ni chaud, ni froid, ni bon, ni mauvais n’existent en tant que tel. Tout est relatif, associé à autre chose. Tout est dénué de réalité. Donc il est plus question de voir comment nous percevons le monde, que ce qu’est véritablement le monde. La fleur qui est posée là devant moi est vue de manière différente par chacune des deux cents personnes qui sont sous cette tente.  Nous pouvons dire que les gens ont deux types de perceptions : la perception commune qui consiste à dire ceci est une fleur, dont la couleur est rouge. Ensuite nous avons des perceptions personnelles : j’aime ou je ne n’aime pas l’odeur de la fleur. Mais plus nous allons dans le détail et plus la perception est individuelle, une perception collective n’existe pas. Nous percevons tous cette fleur de manière différente car nous la voyons sous un angle unique. Il est impossible pour vous de voir ce que je vois, car je regarde sous un angle et vous sous un autre, et même si vous veniez à ma place vous verriez différemment de moi. Par exemple la mode des années 1960 était considérée comme superbe à l’époque, aujourd’hui nous trouvons cela moins beau. Une action nous offense qu’elle soit belle ou non, tout cela dépend de notre culture, de nos croyances et habitudes, de notre esprit, de notre perception. Comme la culture décide pour nous ce qui est considéré comme bon ou mauvais, cela signifie que tout cela est une perception de l’esprit. Ainsi, selon le bouddhisme, il n’y a pas d’autre créateur du monde que notre propre esprit, nos perceptions, nos croyances. Une fois ceci compris, analysé, réfléchi, vous pouvez lire des livres qui développent la philosophie bouddhiste, shitamatra, c’est-à-dire, l’esprit seul. Une fois que vous comprenez que le monde entier n’est que projection de notre esprit, que pour chaque individu le monde est le reflet de son propre esprit, alors nous pouvons aborder le point suivant qui consiste à se demander, à rechercher, analyser qui perçoit le monde. 


 Le deuxième pas : la recherche de l’esprit  De nos jours beaucoup de gens pensent que notre cerveau, les nerfs cervicaux sont l’esprit. Les gens croyaient à une époque que le cœur était l’esprit, on pensait qu’il était jaune, grand, blanc, bref plusieurs croyances qui circulent encore maintenant sur ce qu’est le « soi », la conscience, l’esprit. Beaucoup croient qu’il s’agit d’une matière physique. En fait, l’esprit est fort éloigné de quelque chose de physique.  Il est vrai que notre corps physique et donc certaines parties comme le cerveau jouent un rôle très important en termes de soutien, comme un contenant pour notre esprit. Mais le contenant n’est pas la chose. Le verre permet de contenir l’eau, mais si le verre casse, l’eau se répand sur le sol. Le verre n’est pas l’eau, si c’était le cas nous pourrions boire le verre. Ils vont ensemble, l’un permet à l’autre d’être contenu, mais ils sont séparés, différents. Ils sont proches et c’est pour cela qu’il y a confusion, et que les gens pensent que le cerveau c’est l’esprit. Or, ce n’est pas le cas.  Il y a beaucoup de niveaux d’analyse lorsque nous cheminons vers la vérité ultime. Quand je parle du cerveau et de la connexion entre l’esprit, la conscience et le cerveau, il s’agit d’un niveau de base d’analyse. Si nous nous situons sur un niveau plus élevé d’analyse, en méditation analytique, nous ne trouverons pas l’esprit, car il n’existe pas en tant que tel. Nous disons ceci est de l’eau, en analysant nous disons ce sont des particules, des molécules, des atomes ou c’est du vide ; tout est vrai mais il y a plusieurs niveaux de vérité. Dans la pratique du lodjong nous nous situons au plus haut niveau d’analyse. Pour faire cela il y a différentes méthodes. L’une d’entre elles consiste à se demander où est notre esprit : à l’intérieur du corps ? À l’extérieur ? Par exemple, lorsqu’il s’agit de sensations physiques, de ressentir, nous pouvons nous demander si la sensation existe avant que nous ayons touché l’objet ou pendant que nous le touchons. La réponse est probablement pendant. Puis il s’agit de se demander si la sensation d’agréable ou de désagréable vient de l’objet ou du sujet. Voilà donc le type d’analyse que nous expérimentons. Si mathématiquement parlant, la sensation n’existe que lorsque les deux choses sont en contact, et qu’avant le contact, elle n’est présente ni dans l’objet, ni dans l’expérimentateur, comment se fait-il qu’il y ait quelque chose qui apparaisse ? C’est comme deux zéros qui se rencontrent : ça donne un zéro.   Vous pouvez vous demander quelle couleur, quelle taille cette sensation a, à quoi elle ressemble, où se place-t-elle ? Voilà comment analyser l’esprit. Si vous avez foi dans l’idée que les objets extérieurs n’existent pas, qu’ils ne sont qu’un reflet de l’esprit, vous pouvez alors utiliser une autre méthode pour percevoir la vacuité de l’esprit. Cette méthode consiste à comprendre que l’esprit perçoit. S’il n’y a pas d’objet à percevoir, pourquoi y a-t-il un sujet qui perçoit ? Comment peut-il être sujet s’il n’y a pas d’objet ?  Une autre méthode d’analyse consiste à utiliser le temps. Étant donné que l’esprit n’est pas un objet physique, le temps peut aider, il est impermanent : ce qui est aujourd’hui peut changer demain, l’esprit peut changer en permanence. Ce que nous pensions hier évolue aujourd’hui. Si nous allons un peu plus dans les détails nous nous apercevons que tout change à chaque seconde. Cela signifie que le présent, le passé et le futur sont le temps, nous pensons que le présent est compris dans une seconde mais une partie est proche du passé et une autre du futur. Donc le présent est divisible. Et plus nous allons dans le détail, plus il est difficile de trouver un vrai présent indivisible, palpable, existant. Lorsque nous faisons ce type d’analyse nous allons vite comprendre que l’esprit est vide.  Nous risquons de penser que l’esprit c’est le vide, et alors nous allons saisir cela. Puis nous allons nous attacher au monde, nous lier au samsara, mais l’attachement au vide va aussi nous ligoter. Que la chaîne soit de métal ou d’or, elle nous entrave. Quel que soit l’attachement que nous vivons il nous empêchera d’aller vers l’Éveil. Il est important de dissiper, de purifier ce genre de pensées sur le vide.   

 

Le troisième pas : stabiliser l’esprit  Dans le texte du Lodjong il est mentionné la nécessité de placer notre esprit au-delà de la septième conscience : l’alaya1. Nous pouvons parler ici de luminosité, de clarté. Il n’y a plus de pensées, ni de saisie. Quand nous poursuivons cette étape nous parvenons à la stabilité de l’esprit. Tout ceci se passe pendant la méditation, lors de la post-méditation, il est important de garder à l’esprit l’aspect illusoire des phénomènes. 

 

 

L’intégralité de l’enseignement se trouve ici : www.dhagpo.org/fr/multimedia/revue-tendrel/381-le-lodjong 


Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°13 ( printemps 2020 )

 





Trungram Gyaltrul Rinpoché est connu à travers le monde comme un érudit, un enseignant et un maître de méditation. Il est également le premier tulku à obtenir en 2004 un doctorat en Occident, après avoir terminé ses études en bouddhisme indo-tibétain à l’université de Harvard. 

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