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Photo du rédacteurSagesses Bouddhistes

Le contenant & le contenu

Un accès sans frontières


Dans l’Antiquité, les textes étaient d’un accès extraordinairement difficile. Il suffit de se rappeler les voyages éprouvants de Vairotsana et de Xuanzang en Inde pour se rendre compte que la recherche du véritable enseignement du Bouddha pouvait se faire au péril d’une vie. Et très concrètement, il fallait un temps incroyable pour écrire minutieusement à la main des textes de référence sur de délicates feuilles de palmier, sans parler de leur distribution qui limitait inévitablement leur utilisation à quelques privilégiés.

Les disciples du Bouddha ont toujours utilisé pleinement chaque avancée technique – la taille de la pierre, la gravure sur bois, la calligraphie et l’impression sur papier, pour préserver et diffuser plus largement et plus facilement les enseignements du Bouddha. En fait, les bouddhistes ont été pionniers dans l’utilisation de ces techniques : le Sūtra du diamant du ixe siècle, dans sa traduction chinoise trouvée à Dunhuang, reste le plus ancien exemple connu d’impression à la planche de bois gravée[1].

Quelle chance incroyable nous avons à notre époque, de pouvoir accéder instantanément à une vaste collection de la sagesse du Bouddha et de pouvoir partager ce trésor d’une manière jamais encore réalisée. Il est incroyable que les citoyens du monde entier, depuis les coins les plus reculés et les plus éloignés, puissent maintenant accéder aux paroles du Bouddha, du bout des doigts et en quelques clics !

Oui, nous déplorons l’utilisation inconsidérée des médias sociaux et la diffusion rapide de mauvaises nouvelles, la désinformation, la violence et les commérages malveillants. Mais ne serait-il pas plus malin d’utiliser ces mêmes médias pour contrer ces pratiques négatives, pour diffuser la vérité du Dharma et pour créer des avantages inestimables ?

Ne peut-on pas imaginer qu’un adolescent dans le métro, voulant être à l’aise – et peut-être trop timide pour sortir un texte de sutra trop volumineux pour son sac à dos –, lise plutôt des textes sur la vacuité et la compassion sur son smartphone ?

Imaginez-vous qu’après une conversation de fête dénuée de sens et fatigante, vous vous retiriez quelques instants dans la salle de bain pour lire le paragraphe d’un sutra sur votre téléphone. Imaginez-vous naviguant sur le web à faire des achats en ligne sur votre ordinateur et passant momentanément à un texte de référence.

Bien sûr, pour des raisons personnelles, nous pouvons toujours copier un sutra avec une belle écriture manuscrite et en garder une copie sur notre autel et notre bibliothèque. Mais il y a aussi toutes les raisons d’être un peu audacieux et avisé pour profiter pleinement des énormes possibilités offertes par la technologie moderne.

En fait, nous devrions tous embrasser ces nouvelles possibilités avec joie et enthousiasme, sachant que nous pouvons désormais préserver et diffuser les paroles du Bouddha aussi largement et efficacement, plus facilement et plus commodément à plus d’êtres que jamais auparavant dans l’histoire de l’humanité.

 

Cet essai a été publié pour la première fois dans le numéro d’avril 2020 du bulletin d’information de « 84000 : Traduire les paroles du Bouddha », une initiative mondiale à but non lucratif visant à traduire les paroles du Bouddha et à les rendre accessibles à tous.

 


 

 Le contenant et le contenu

Traduction Sylvie Gauthier

 

Un journaliste local me demanda un jour : « Que feriez-vous, Ajahn Brahm, si quelqu’un s’emparait d’un texte bouddhique sacré et le jetait dans les toilettes ? »

Sans hésiter, je répondis : « Monsieur, si quelqu’un s’emparait d’un texte bouddhique sacré et le jetait dans les toilettes, j’appellerais tout de suite un plombier ! »

Après avoir bien ri, le journaliste me confia que c’était là la réponse la plus sensée qu’il ait entendue.

Je lui expliquai ensuite que même si une telle personne s’évertuait à détruire des statues de Bouddha, à brûler des temples ou à tuer des nonnes et des moines, elle ne pourrait jamais détruire le bouddhisme. On peut jeter un livre sacré dans les toilettes, mais on ne peut y jeter le pardon, la paix ou la compassion.

Le livre, la statue, le temple ou le moine ne sont pas la religion. Ils ne sont que les « contenants ».

Qu’est-ce que le texte nous enseigne ? Qu’est-ce que la statue représente ? Quelles qualités le moine est-il supposé incarner ? Ça, c’est le « contenu ».

Quand nous comprenons la différence entre le contenant et le contenu, nous pouvons préserver le contenu même si le contenant est détruit.

Nous pouvons toujours imprimer d’autres textes, ériger d’autres temples, sculpter d’autres statues et former d’autres nonnes et moines. Mais si nous remplaçons l’amour et le respect, pour autrui et pour nous-mêmes, par la violence, à ce moment-là, nous jetons la religion aux toilettes.

 

Extrait de Good? Bad? Who Knows?, Mitra Holdings Pte Ltd Éditions


[1] 600 ans avant les premiers essais de Gutenberg.


Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°16 (Hiver 2020)

 


Dzongsar Jamyang Khyentsé Rinpoché voyage et enseigne dans le monde entier. Auteur de plusieurs ouvrages, cinéaste primé, il est également l’abbé de plusieurs monastères en Asie et le directeur spirituel de centres de méditation en Amérique, Australie et Asie.



 Ajahn Brahm est né à Londres. Il prononce ses vœux monastiques et reste pendant neuf ans moine auprès du célèbre Ajahn Chah dans un monastère retiré de la jungle thaïlandaise. Depuis 1994, il est abbé du Bodhinyana Monastery en Australie.

 

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