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  • Photo du rédacteurSagesses Bouddhistes

La méditation bouddhiste du calme mental 

Partie 3 : Les 9 étapes et les 4 types d’attention  

 

Propos recueillis par Philippe Judenne 



De passage à Paris à l’Espace Bouddhiste Tibétain, nous avons suivi son enseignement pendant deux jours. 


La cause première de notre bonheur est notre propre esprit et la pratique de la méditation permet d’avoir une vue claire de son fonctionnement. Shangpa Rinpoché expose maintenant les 9 étapes caractéristiques de l’esprit qu’un pratiquant – du débutant au plus entraîné – rencontre dans une session de méditation et les types d’attention particuliers qui sont à mettre en œuvre à chaque étape. 

Cette description du contexte de la méditation du calme mental (skrt : samatha) est un peu théorique mais permettra dans l’expérience de la méditation de savoir vous y retrouver et quelle direction prendre. C’est selon Shangpa Rinpoché une introduction nécessaire. 

 

La progression et l’approfondissement de la méditation du calme mental (skrt : samatha, tib : chiné) se décrivent donc en 9 étapes : le placement du mental, le placement continu du mental, le retour au placement du mental, le retour rapide et appliqué au placement du mental, la maîtrise, l’esprit pacifié, l’esprit complètement pacifié, l’esprit placé en un point, et le placement ou retour au placement égal, équanime. 

 

Quand vous commencez la méditation du calme mental, et ainsi que je vous l’ai expliqué précédemment1, vous focalisez votre attention sur le support de méditation. Arrive alors un moment où tout votre esprit sera rassemblé, concentré en un point, sur le support de méditation : vous êtes conscient que votre esprit est ainsi placé sur le support et qu’il est détendu. À ce moment, vous êtes dans le placement mental. C’est-à-dire que vous savez comment placer votre esprit sur le support. 

À partir de là, vous allez progresser avec des temps de méditation un peu plus longs. Parfois votre esprit partira en vagabondant un peu et vous le ramènerez en un point, et ainsi de suite, ni trop tendu ni trop relâché. Vous vous entraînez à ramener votre esprit en un point au fil des étapes, encore et encore. 

 

 

Il y a maintenant six forces particulières à décrire qui permettent de traverser ces neuf étapes. La progression dans chaque étape correspond au développement particulier de l’une des six capacités. 


  1. L’écoute. Écouter et apprendre, c’est recevoir les instructions de méditation qui permettent de parvenir au placement du mental. L’enseignant a donné les instructions et vous avez écouté attentivement. Vous savez quoi faire, comment le faire. Vous essayez une première fois et ainsi vous apprenez vraiment à le faire. Vous devenez capable d’atteindre le placement mental et par voie de conséquence, vous commencez à être capable de le maintenir un peu. 

  1. La réflexion et l’examen permettent le placement du mental continu. Quel que soit ce que vous croyez déjà savoir sur le sujet, vous examinez encore et encore ce qui se passe, et essayez de mettre en œuvre les instructions en vous appliquant encore et encore à le faire. C’est ainsi que vous parvenez au placement continu du mental. 

  1. Le souvenir, le rappel2 rend possible le retour au placement. Le rappel est ce qui nous permet de savoir que l’on est distrait et de revenir rapidement au placement, de manière volontaire et déterminée, en écartant la torpeur ou l’agitation. La pleine conscience de ce qui se passe permet de renforcer notre habileté à faire le retour et aussi le retour rapide et appliqué au placement du mental. 

  1. La vigilance3 permet la maîtrise qui aboutit à l’esprit pacifié. Par cette introspection continuelle, nous savons que notre esprit est agité et nous connaissons aussi les conséquences de la distraction et ses défauts. Ainsi, nous ne laissons pas l’esprit continuer à se distraire. 

  1. L’effort enthousiaste permet d’arriver au stade de l’esprit complètement pacifié et de l’esprit placé en un point. Il faut comprendre cette idée d’effort comme un mouvement inspiré par la joie et qui nous meut encore plus vers elle. Cet effort développe en continu la motivation, l’intention d’appliquer les antidotes aux distractions et aux émotions4 sans s’arrêter ou renoncer. Il y a ainsi une sorte de stabilité qui s’établit alors que les distractions et les défauts dans la méditation s’amenuisent. 

  1. C’est la familiarité, l’habitude qui permet le placement équanime d’un esprit placé en un point et cela pendant 3 ou 4 heures, sans effort. 

 


Les quatre types d’attention 

Quatre types d’attention caractérisent l’esprit qui s’engage dans la méditation : l’engagement ferme, l’engagement interrompu, l’engagement ininterrompu et l’engagement spontané.  


L’engagement ferme. Quand vous êtes à l’étape du placement du mental et à celle du placement continu, vous traversez le moment le plus difficile : vous êtes débutant dans la pratique et vous êtes à tout moment distrait et sortez de la méditation. C’est pourquoi vous devez avoir à ce moment un engagement ferme dans la pratique de focalisation sur le support. L’effort à fournir est important pour vous sortir de la torpeur ou des agitations qui peuvent survenir à chaque instant dans votre esprit. Que vous sombriez dans la torpeur ou qu’une excitation forte commence à vous emporter, vous devez vous en rendre compte rapidement et agir en conséquence. Vous devez prêter fermement attention à ce qui survient. 


L’engagement interrompu. Vous savez comment placer votre esprit mais les distractions et la torpeur peuvent encore vous sortir de la focalisation en un point sur le support. L’engagement interrompu signifie être juste conscient de ce qui arrive et pouvoir revenir rapidement à la méditation. Souvent nous méditons et nous sommes distraits, parfois quelques minutes, voire sur un temps beaucoup plus long, pendant lequel les pensées et les idées se sont enchaînées. Vous avez oublié la méditation. Vous devez en prendre conscience et revenir à l’objet de focalisation.  

Quand vous êtes à l’étape 3, celle du retour au placement du mental, l’engagement dans la méditation est souvent interrompu puis il le sera de moins en moins dans la progression des étapes. Il est dit que cet engagement interrompu continue de survenir jusqu’au début de la septième étape, celle de l’esprit complètement pacifié.  


L’engagement ininterrompu est atteint quand vous parvenez à l’étape 8 de l’esprit focalisé en un point, libre de la torpeur et des distractions, l’esprit étant capable de demeurer ainsi pendant de longues périodes. Même si une subtile agitation mentale ou une légère torpeur peuvent survenir encore, elles peuvent être dépassées très facilement et le pratiquant peut demeurer en méditation longtemps et sans effort.  Voilà ce qui caractérise l’engagement ininterrompu. 


L’engagement spontané est celui qui opère pendant que le pratiquant atteint la neuvième étape, le placement égal, équanime. Il ne demande presque plus d’effort car il ne subsiste que très peu d’agitation ou de torpeur.  

Beaucoup de personnes se détournent de la méditation quand elles se trouvent aux quatre premiers stades de samatha ; l’agitation ou la torpeur, les distorsions sont trop fortes et la pratique semble inutile. Pourtant, faisant preuve de patience, de diligence et d’un peu de détermination, ceux qui arrivent au cinquième stade, celui de la maîtrise, découvrent toutes les qualités et l’intérêt de la méditation et trouvent les plaisirs extérieurs, dont ils voient les aspects « défectueux » en termes de souffrance (sixième stade), moins attractifs et fascinants. Ensuite, au stade 7, l’esprit est très paisible et détendu dans la méditation, même si dans la vie de tous les jours des événements perturbants surviennent. Le désir n’affecte plus l’esprit. Au stade 8, il n’y a plus de contrôle à exercer, on s’engage sans effort dans la joie de la méditation. Au stade 9, l’esprit se rappelle d’un support immédiatement et peut rester des heures sans effort centré sur ce support. 

Au-delà du stade 9, les signes de la réalisation de samatha sont ceux d’une facilité à utiliser l’esprit dans n’importe quelle direction voulue. Les autres symptômes sont ceux d’une joie débordante, d’une félicité dans l’esprit et surtout dans le corps où certains souffles se mettent à circuler5.  

La méditation de samatha est une étape vers la méditation de la vision profonde (skt. : vipassana, tib : laktong) qui permettra de trancher définitivement avec l’ignorance et l’aspect illusoire des phénomènes par l’examen de leur nature6


Le chemin de la méditation samatha 

L’éléphant représente l’esprit, le singe représente les émotions et l’ego.  

Tant que le singe mène l’éléphant, l’esprit est confus et perturbé. Petit à petit le méditant dompte le singe et l’esprit se purifie : l’éléphant devient de plus en plus blanc. Puis un jour, l’éléphant passe devant le singe : l’esprit est devenu libre et apaisé. 



Monastère de Kopan (Katmandou) – source : La peinture tibétaine par David et Janice Jackson, Éd. Peuples du monde - Créative Commons. Paternité : Michel Racine 

Au début du chemin, les plaisirs sensoriels auxquels l’esprit s’agrippe sont représentés par les flammes. Au début, l’éléphant, notre esprit indompté, a une posture agressive et devient de plus en plus paisible alors que sa couleur passe progressivement du sombre au blanc. Le singe, qui mène l’éléphant au début du parcours, va passer derrière et suivre l’éléphant en cessant de courir après les fruits de l’arbre et les différents objets de plaisir des sens. Le lapin, qui représente la manifestation subtile de la somnolence, finit par disparaître, de même que le singe, qui représente la saisie égoïste. 


Au début, l’homme tient à la main un lasso et un crochet et se trouve loin derrière le singe et l’éléphant. Sa méditation est inexistante. L’esprit est complètement mené par les distractions. L’homme va devoir utiliser le lasso et le crochet qui représentent le rappel et la vigilance (voir notes 2 et 3). Quelques secondes de leur utilisation permettent de découvrir puis de stabiliser le placement du mental et de progresser à partir de là. On découvre notre capacité à se placer exactement sur le support et aussi à être conscients que nous sommes en train de le faire. La durée de l’expérience importe peu. Elle sera réitérée d’innombrables fois. 


La distance entre le cornac (le guide et le soigneur) et l’éléphant diminue, signe de la bonne progression de la pratique de samatha jusqu’à ce que l’homme, habillé comme un moine, dompte l’éléphant complètement. C’est la neuvième étape pendant laquelle l’esprit est complètement pacifié, placé en un point, complètement stable. Au-delà, le moine chevauchant l’éléphant tient dans sa main une épée représentant la méditation vipassana qui tranche l’ignorance en développant les cinq sagesses semblables aux couleurs de l’arc-en-ciel. 

 

Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°13 ( printemps 2020 )

 



Shangpa Rinpoché a été reconnu comme une incarnation du grand yogi Shangpa, disciple du 15e Karmapa. Il a reçu une formation complète en philosophie bouddhiste, en littérature, en poésie et en histoire ainsi que de nombreux enseignements et initiations de grands maîtres. Abbé de son monastère au Népal, il développe une grande activité dans d’autres régions, de même que dans de nombreux pays du Sud-Est asiatique. 

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