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La compassion New Age

  • Photo du rédacteur: Sagesses Bouddhistes
    Sagesses Bouddhistes
  • 30 oct. 2024
  • 3 min de lecture

Par lama Jampa Thayé

Traduction : Sylvie Gauthier



De Londres à Los Angeles, nous vivons, semble-t-il, à l’ère de la compassion. Partout, j’entends parler de compassion. Politiciens, publicitaires, gourous, stars de cinéma… Tous s’en réclament.

Nous, les bouddhistes, devrions sans doute nous réjouir de cette tendance. Après tout, les sûtras ne disent-ils pas :


Quiconque souhaite accéder à la nature de Bouddha n’a qu’un seul enseignement à suivre : celui de la grande compassion.

Pourtant, je me demande si nous ne sommes pas plutôt dans l’ère de la sentimentalité. Je crois qu’il y a confusion entre la compassion, le vœu que tous les êtres soient libérés de la souffrance et de ses causes, et sa vilaine demi-sœur. Alors que la compassion est tournée vers les autres, la sentimentalité se limite à nous et à nos propres sentiments, ce qui s’inscrit tout à fait dans la culture actuelle où ce qui importe, c’est de se sentir bien dans sa peau, en tout temps. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la sentimentalité se soucie bien peu du bien-être d’autrui. Un peu comme un parent qui, par complaisance, satisfait tous les caprices de son enfant, avec les résultats désastreux que l’on imagine.

La sentimentalité se nourrit d’admiration, une admiration qui n’est le fruit d’aucun mérite, dans la mesure où l’on soutient la cause, l’organisme ou le parti en vogue. « Votez compassion », et vous aurez le champ libre, vous serez invité à toutes les fêtes où vous côtoierez humanistes et philanthropes célèbres.

Hélas, les bouddhistes modernes que nous sommes confondent eux aussi compassion et sentimentalité. Quarante ans après avoir rencontré d’excellents maîtres venus d’Asie, à plusieurs égards, notre bouddhisme est un patchwork de sentiments sans fondement et d’idées à la mode, souvent – mais pas toujours – sans conséquence, que l’on qualifie de compassion pour leur donner un vernis dharmique. Il est toutefois crucial que notre notion de compassion s’accorde avec les enseignements clairs et rigoureux du Bouddha sur la discipline morale, puisque, comme il le précise, si les gens ne mènent pas une vie éthique, le bonheur authentique que nous souhaitons pour eux, dans cette vie et dans les vies futures, demeurera inatteignable.

Ces enseignements se retrouvent dans les vœux de pratimoksha (« libération individuelle »), considérés dans le bouddhisme tibétain comme le code d’éthique du hinayana, ainsi que dans ceux du bodhisattva (mahayana) et du vidyadhara (vajrayana). Dans les vœux de pratimoksha, le Bouddha énumère quatre entraînements éthiques fondamentaux pour les pratiquants laïques et monastiques :


Ne pas tuer

Ne pas voler

Pas de mauvaise sexualité

Ne pas mentir


Ainsi, lorsque nous faisons le vœu que tous les êtres connaissent les causes du bonheur, il nous faut comprendre que ce n’est que par la pratique de ces préceptes moraux que ces causes pourront apparaître. En d’autres mots, le juste accomplissement des vœux du bodhisattva, l’expression suprême d’une réponse compatissante aux besoins d’autrui, dépend de notre engagement envers l’essence des vœux de pratimoksha.

On a beau se dire que la personne que l’on voit dans le miroir est un bouddhiste, force est d’admettre que, sous des apparences de spiritualité, même si les années ont passé, c’est le même visage, les mêmes valeurs qui sont là, imperméables à la réalité du Dharma. Cette réalité ne s’emboîte pas parfaitement avec nos concepts culturels et politiques ; néanmoins, elle nous demande de prendre au sérieux la discipline morale. Ce n’est pas pour rien que, des trois entraînements, la morale vient en premier, avant la méditation et la sagesse. Se pourrait-il que la lenteur de nos progrès en tant que pratiquants et les difficultés qu’ont rencontrées certaines communautés bouddhistes occidentales soient dues à notre insouciance morale?

Il n’est pas trop tard pour corriger le tir. Mais reprenons depuis le début, avec le Dharma pur, non frelaté par nos penchants sentimentaux, non altéré jusqu’à ce qu’il ressemble à ce que l’on était avant d’être bouddhistes. En mettant l’enseignement éthique du Bouddha à la racine, peut-être en viendrons-nous à développer un peu de compassion, au lieu de cet amour dilué qui n’a de compassion que le nom.

 

 

 

 

 

 

 

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