Propos recueillis par Frédéric La Combe
Si le mot « bouddhisme » est un néologisme du XIXe siècle inventé par une littérature orientaliste émergente, l’enseignement du Bouddha, toujours vivant et authentique grâce à ceux qui le transmette, s’est toujours incorporé dans les cultures du monde, voyageant au gré des périodes historiques, des langues et des courants, voire des modes culturelles. La montée en puissance du courant laïc de méditation de Pleine conscience et des MBSR (voir page 29) suscite bien des réflexions, tant sur les attentes d’une population en quête de bonheur que sur des expériences plus modernes qui puisse encapsuler la sagesse de l’enseignement du Bouddha pour la rendre accessible à un plus large public.
Quelle est l’origine et l’esprit des méthodes de pleine présence que propose l’Altruistic Open Mindfulness (AOM)?
L’origine est l’esprit du Bouddha, les modalités sont celles du XXIe siècle. C’est donc une sagesse atemporelle pour un monde moderne, dans un humanisme naturel, agnostique et même si l’on veut, laïc. Quand on parle de l’expérience profonde que l’on entend par Mindfulness, la plénitude de l’esprit, on parle d’un état de présence. C’est pourquoi, il est beaucoup plus juste de parler de « pleine présence » que de « pleine conscience ». Beaucoup de personnes sont d’accord sur ce point aujourd’hui.
Plus précisément, dans quel enseignement du Bouddha ces méthodes ont-elles leur source ?
Je vous répondrais le Satipaṭṭhāna Sutta et l’Ānāpānasati Sutta, ainsi que tous les traités sur drenpa et shechin en tibétain et les enseignements dans la plupart des sūtras, tantras et sāstras du Mahāmudrā-Dzogchen. La pleine présence est l’enseignement essentiel du Bouddha. C’est l’enseignement dont la pratique mène à la réalisation de l’état de pleine présence, c’est-à-dire l’Éveil.
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Dans quel état d’esprit ou quelles perspectives ces méthodes ont-elles été créées ?
Denys Rinpoché dit souvent qu’il n’a rien créé mais n’a été que le traducteur des ancêtres. C’est-à-dire qu’il a traduit en notre langue contemporaine les recettes de l’apprentissage de la pleine présence transmises de génération en génération depuis des millénaires et qui ont leur universalité dans notre nature humaine. L’association Atruistic Open Mindfulness Institute, l’Institut de Pleine Présence Ouverte et Altruiste, s’est formée pour en faciliter la transmission et la diffusion.
À partir de l’automne 2018, toute la méthode que nous avons développée dans l’AOM va être en accès gratuit en ligne de telle sorte que tous puissent y avoir accès en tout lieu et à tout moment. Il s’agit que chacun puisse l’utiliser à son rythme, pas à pas, étape par étape. Un écosystème pédagogique comprenant un livre, des séminaires, le tutorat en ligne et en présentiel est en train de se constituer.
Je pense qu’il y a là un nouveau système de transmission de l’enseignement dans un modèle de générosité, dans l’esprit de ce que l’on nomme le don du dharma dans le bouddhisme.
Quelle est la finalité des méthodes OMT ET OHT ?
La première, l’Open Mindfulness Training (OMT) ou l’Entraînement à la Pleine Présence Ouverte, est une méthode permettant de découvrir et cultiver une qualité d’attention spacieuse, tranquille et bienveillante, dans l’ici et maintenant. On découvre les trois dimensions de l’état de présence : l’attention, l’ouverture et les qualités d’empathie bienveillante et de compassion.
Dans la deuxième, l’Open Heartfulness Training (OHT), l’accent est mis sur l’ouverture du cœur ou l’entraînement à l’ouverture du cœur. Cet entraînement reprend les fondamentaux de ce qui est connu comme l’éveil du cœur et de l’esprit : bodhicitta en sanskrit. Ce ne sont pas vraiment deux méthodes différentes. Disons que la première étape de la méthode développe l’état de présence, et la deuxième est une amplification.
Sur quels principes sont fondées les formations de facilitateur ?
Le critère principal de la formation et de l’accréditation est d’avoir un profond niveau de pratique et de compréhension de la pleine présence. De nombreux facilitateurs actuels sont des personnes qui ont suivi de longues retraites. Cette profondeur de l’expérience est très importante pour préserver la richesse de cet enseignement.
Combien de temps durent-elles ? La formation représente-elle un coût important ?
Pour commencer la formation de facilitateur, il faut justifier de deux années de pratique régulière de la pleine présence ou de Śamatha-Vipaśyanā et pratiquer environ 300 heures pendant la formation elle-même. Celle-ci dure environ un an avec trois semaines de formation à la transmission, deux stages en tant que facilitateur assistant, une retraite individuelle d’une semaine et une étude personnelle approfondie des sciences contemplatives.
Nous avons voulu un coût de formation le plus bas possible, pour que les considérations financières ne soient pas un obstacle à la motivation à transmettre et aussi afin de ne pas participer à une marchandisation de la pratique. Nous savons bien qu’un coût de formation initiale élevé engendre des tarifs élevés par la suite, à cause d’une logique de retour sur investissement. Nous ne souhaitons pas nous inscrire dans ce genre de démarche.
Le but est-il pour les facilitateurs d’en faire une activité professionnelle dont ils puissent vivre ?
Oui, tout à fait ! Cette activité peut devenir un moyen d’existence juste pour des pratiquants qui souhaitent allier leur pratique et leur activité professionnelle. Tout cela est encadré par un engagement déontologique : on peut en vivre, mais pas s’approprier quoi que ce soit et en faire sa fortune ou sa gloire personnelle. Les méthodes de l’AOM ont été développées dans une motivation de don du dharma. Les tarifs sont calculés pour permettre à la fois aux facilitateurs une rémunération juste et aux participants un prix qui soit accessible au plus grand nombre.
Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°6 (Printemps 2018)
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Une des expériences en cours depuis 2012 est celle des protocoles français – et oui –, Open Mindfulness Training (OMT) et l’Open Heartfulness Training (OHT) créés par Lama Denys Rinpoché, responsable spirituel du centre bouddhiste Institut Karma Ling en Savoie. Le protocole compte aujourd’hui une vingtaine de facilitateurs accrédités. Voici un entretien avec Eric Le Gal, responsable pédagogique du protocole.