Par le Village des Pruniers
Pratiquer la méditation sert à nous guérir et à nous transformer. La méditation, telle qu’elle est conçue dans la tradition bouddhiste, nous aide à ne faire qu’un, à regarder en nous-mêmes et autour de nous afin de nous rendre compte de ce qui est vraiment là. L’énergie utilisée en méditation est la pleine conscience. Regarder profondément c’est utiliser la pleine conscience pour éclairer les recoins de notre esprit ou pour regarder au cœur des choses afin d’en voir la nature véritable. Quand la pleine conscience est présente, la méditation est présente. La pleine conscience nous aide à comprendre l’essence véritable de l’objet de notre méditation (que ce soit une perception, une émotion, une action, une réaction, la présence d’une personne ou d’un objet).
En regardant profondément, celui qui pratique la méditation obtient une compréhension intime qu’on appelle prajña ou sagesse. Cette compréhension a le pouvoir de nous libérer de notre propre souffrance et de notre asservissement. Au cours de la méditation, les entraves se défont, les amas intérieurs de souffrance que sont la peur, la colère, le désespoir ou la haine se transforment, les relations avec les autres et avec la nature deviennent plus faciles, la liberté et la joie nous pénètrent.Nous prenons conscience de ce qu’il y a en nous et autour de nous ; nous nous sentons rafraîchis, plus vivants dans notre quotidien. Comme nous devenons de plus en plus libres et heureux, nous cessons de nous comporter de telle sorte que les autres en souffrent, nous sommes capables d’amener le changement autour de nous et d’aider les autres à se libérer.
L’énergie de la pleine conscience est sans arrêt produite, nourrie et renforcée pendant la méditation. Celui qui pratique la méditation est comme une fleur de lotus en train de s’épanouir. Les Bouddhas sont des fleurs humaines entièrement épanouies, belles et rafraîchissantes. Nous sommes tous des Bouddhas en devenir.
Il vous est peut-être possible de méditer seul, sans enseignant ni sangha, à savoir une communauté bouddhiste de pratiquants. Mais cela va sans dire qu’il est préférable et plus facile de pratiquer avec un enseignant et avec une sangha. Un enseignant est quelqu’un qui a l’expérience de la pratique et qui en a obtenu des résultats. Une sangha est une communauté de pratiquants où chacun suit plus ou moins la même pratique. Puisque chacun a la même pratique, c’est aussi plus facile pour vous de pratiquer, parce que l’énergie de groupe produite par la sangha est puissante et d’un grand soutien. Vous pouvez aussi beaucoup apprendre de membres d’une sangha, en particulier de ceux qui ont déjà atteint un certain degré de paix et de transformation. Il y a beaucoup de choses qui peuvent vous paraître difficiles à accomplir en étant seul, mais en présence d’une sangha, vous pouvez les faire facilement. Tous ceux d’entre nous qui ont pratiqué avec une sangha peuvent en témoigner.
Dans la tradition bouddhiste, nous considérons la sangha comme l’un des Trois Joyaux (les Trois Joyaux sont le Bouddha, le Dharma et la Sangha). Pour nous, les Trois Joyaux sont déjà dans votre cœur.
-I-
La joie de méditer est une nourriture
J’inspire, je détends mon corps.J’expire, je sourisCalme Sourire.
J’inspire, je demeure dans le moment présent.J’expire, je sais que c’est un moment merveilleux.Moment présent Moment merveilleux.
Beaucoup de gens commencent la pratique de la méditation assise avec cet exercice. Même ceux qui méditent depuis des années continuent à l’utiliser parce qu’il est très efficace. En inspirant, portez toute votre attention sur l’inspir. Où que se trouve l’inspir dans le corps, sentez le calme qu’il apporte.Comme lorsque vous buvez de l’eau fraîche par une chaude journée, sentez comme le souffle rafraîchit les organes internes du corps. Pendant la pratique de la méditation, si le corps est calme, l’esprit est calme. La respiration consciente unifie le corps et l’esprit. En expirant, souriez pour relâcher tous les muscles du visage (il y en a environ trois mille en tout). Cela aura aussi pour effet de détendre le système nerveux. Le demi-sourire peut être la preuve du calme produit par l’inspir mais c’est aussi un moyen, en lui-même, d’obtenir une sensation de confort ainsi qu’une pleine conscience claire, paisible et joyeuse. La respiration et le sourire conscients doivent être pratiqués pendant cinq, dix ou encore quinze respirations avant de continuer l’exercice.
La deuxième étape de celui-ci nous ramène au moment présent. En demeurant dans le moment présent, nous mettons fin aux attachements du passé et aux angoisses du futur. La vie n’est disponible que dans le moment présent. Nous avons besoin de revenir à ce moment pour être en contact avec la vie telle qu’elle est vraiment. Savoir que nous sommes vivants, que nous pouvons être en contact avec toutes les merveilles qui sont en nous et autour de nous, voilà le vrai miracle. Nous n’avons besoin que d’ouvrir nos yeux et d’écouter attentivement pour goûter aux richesses de la vie. En utilisant la respiration consciente, nous pouvons transformer le moment présent en un moment empli de beauté et de merveilles.
On peut pratiquer cet exercice n’importe où, n’importe quand : dans la salle de méditation, dans la cuisine, au bord d’une rivière, dans un parc ; que ce soit en marchant, en se tenant debout, en étant allongés ou assis ; c’est même possible en travaillant.
-II-
La joie de méditer est une nourriture
J’inspire, je sais que j’inspire.
J’expire, je sais que j’expire.
J’inspire
J’expire.
J’inspire, ma respiration devient plus profonde.
J’expire, ma respiration ralentit.
Profond
Lent.
Conscient de mon corps, j’inspire.
Détendant mon corps, j’expire.
Conscient du corps
Détendre le corps.
Calmant mon corps, j’inspire.
Prenant soin de mon corps, j’expire.
Calmer le corps
Prendre soin du corps.
Souriant à mon corps, j’inspire.
Soulageant mon corps, j’expire.
Sourire au corps
Soulager le corps.
Souriant à mon corps, j’inspire.
Relâchant les tensions du corps, j’expire.
Sourire au corps
Relâcher les tensions.
Ressentant la joie (d’être en vie), j’inspire.
Étant heureux, j’expire.
Ressentir de la joie
Être heureux.
Restant dans le moment présent, j’inspire
Appréciant le moment présent, j’expire.
Être présent
Apprécier.
Conscient de la stabilité de ma posture, j’inspire.
Appréciant la stabilité, j’expire.
Posture stable
Apprécier.
Non seulement cet exercice est facile et agréable à pratiquer, mais il donne aussi de très bons résultats. Grâce à lui, les gens qui débutent dans la pratique de la méditation peuvent commencer à goûter la joie pure qu’elle apporte. De plus, ceux qui ont déjà pratiqué depuis de nombreuses années peuvent utiliser cet exercice pour nourrir aussi bien l’esprit que le corps et continuer à progresser sur le chemin de la méditation.
La première étape (j’inspire, j’expire) sert à identifier la respiration. Au moment de l’inspir, le pratiquant doit reconnaître l’inspir. Au moment de l’expir, il doit reconnaître l’expir. En se concentrant sur la respiration pendant quelques minutes, le pratiquant cessera naturellement de penser au passé ou au futur, d’avoir des pensées qui partent dans tous les sens. Ceci est possible parce que l’esprit du méditant est tout entier avec la respiration, dans son travail de reconnaître l’inspir et l’expir. Ainsi le méditant devient un avec la respiration. L’esprit n’est plus perturbé par l’angoisse ou par le flot de pensées. Il n’est qu’un esprit qui respire.
La deuxième étape (profond, lent) est d’observer l’inspir devenir plus profond et l’expir plus lent. Ce phénomène apparaît de lui-même et ne demande aucun effort de la part du méditant. Respirer et en être conscient (comme dans la première étape) provoque naturellement une respiration plus profonde, plus lente, plus régulière. En d’autres termes, la respiration est de meilleure qualité. Quand elle devient régulière, calme et rythmée, le pratiquant commence à ressentir de la paix et de la joie dans le corps comme dans l’esprit. Arrivé là, le méditant commence à expérimenter la méditation comme une nourriture de joie.
La troisième étape (conscience du corps tout entier, détendre tout le corps) ramène l’esprit chez lui dans le corps avec l’inspir. L’esprit se familiarise avec le corps. La respiration est le pont qui relie l’esprit du méditant à son corps et inversement. La fonction de l’expir est de décontracter tout le corps. En expirant, le méditant permet aux muscles de ses épaules, de ses bras et enfin de tout son corps de se détendre, tant et si bien qu’une sensation de confort le gagne. Cette étape doit être pratiquée pendant au moins dix inspirs et dix expirs.
La quatrième étape (calmer le corps, prendre soin du corps) a pour effet d’apaiser les fonctions du corps sur l’inspir. Sur l’expir, le méditant manifeste une compassion sincère pour les besoins du corps. S’il continue à pratiquer la troisième étape, la respiration aura un effet totalement apaisant et aidera le méditant à traiter le corps avec le plus grand soin et le plus grand respect.
La cinquième étape (sourire au corps, soulager le corps) détend tous les muscles du visage. Le méditant envoie un demi-sourire au corps tout entier, rafraîchissant comme une cascade d’eau glacée. Soulager le corps, c’est se sentir léger. À ce stade de l’exercice, le corps tout entier est nourri par la compassion du méditant.
La sixième étape (sourire au corps, relâcher les tensions du corps) est dans la ligne de l’étape précédente. Ici, la respiration aide à disperser toutes les tensions qui resteraient dans le corps.
La septième étape (ressentir de la joie, être heureux) fait prendre pleinement conscience au méditant, pendant l’inspir, du sentiment de joie. C’est là la joie d’être en vie, d’être en bonne santé (ce qui est la même chose que de vivre dans la pleine conscience), d’être capable de nourrir le corps en même temps que l’âme.
L’expir apporte un sentiment de bonheur. Être assis en ne faisant rien d’autre que de respirer en pleine conscience est un grand bonheur. Un nombre incalculable de gens s’agitent dans tous les sens comme des yoyos dans des vies débordées sans avoir la chance de goûter à cette joie du méditant.
La huitième étape (moment présent, moment merveilleux) ramène le méditant au moment présent sur l’inspir. Le Bouddha a enseigné que le passé est déjà passé et que le futur n’est pas encore arrivé ; que la vie se trouve dans ce qui se passe maintenant. Demeurer dans le présent, c’est revenir à la vie dans toute sa réalité. Ce n’est que dans le moment présent que le méditant est vraiment en contact avec les merveilles de la vie. La paix, la joie, la libération, la nature de Bouddha et le nirvana ne sont nulle part ailleurs. Le bonheur réside dans le moment présent. L’inspir aide le méditant à être en contact avec ce bonheur. L’expir lui donne aussi beaucoup de bonheur et c’est pourquoi il dit « moment merveilleux ».
La neuvième étape (posture stable, apprécier) maintient le méditant dans la posture assise qu’il a adoptée. Cela permettra à une posture qui n’est encore ni très droite ni très belle de le devenir. Une posture assise stable procure soulagement et plaisir. Le méditant devient maître de son corps et de son esprit, il n’est pas tiré à hue et à dia par les diverses actions de son corps, de sa parole et de son esprit où il aurait pu autrement se perdre.
Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°13 ( printemps 2020 )
Le Village des Pruniers a été fondé en 1982 par le vénérable moine Thich Nhât Hanh. Ce nom provient des 1 250 pruniers de la Communauté dont plus de la moitié fut offerte par des enfants, et dont la production est vendue au bénéfice des enfants qui ont faim au Vietnam. Les enseignements de Thây (Thich Nhât Hanh) sont dispensés par plusieurs centres dans le monde.