Le Vesak pour la paix
Par Marie-Christine Peixoto. Photos ©Jean Huating
Au cœur du bois de Vincennes, aux portes de Paris, se dresse la Grande Pagode du bois de Vincennes, autrefois appelée pavillon du Cameroun, vestige de l’exposition coloniale de 1931. Du haut de ses 28 mètres, elle accueille l’une des plus grandes statues du Bouddha d’Europe. Fermée pendant de longs mois suite à l’épidémie de Covid-19, la Pagode a récemment rouvert ses portes au public, pour la plus grande joie de tous. « C’est une joie, après pratiquement deux années sans festivités… Nous sentions que cela manquait aux communautés. Elles sont à l’origine de l’organisation de toute cette journée », explique Antony Boussemart, co-président de l’UBF.
Ci-dessus : La grande Pagode du Bois de Vincennes, Paris
La date du 22 mai a été retenue par les communautés d’Île-de-France qui avaient à cœur d’organiser ce Vesak pour la Paix, placé sous l’égide de l’Union Bouddhiste de France. La fête du Vesak commémore la naissance, l’éveil et la mort du Bouddha Shakyamuni. Cet anniversaire est célébré dans toutes les traditions bouddhistes, souvent à la pleine lune du mois de mai, mais la date peut varier selon les pays et les traditions, parfois avec un mois d’écart. Chaque communauté observe donc cette fête à une date particulière, en lien avec un calendrier traditionnel et lunaire. À cette occasion, les communautés cambodgienne, sri-lankaise, zen, tibétaine, le Village des Pruniers ainsi que les Éclaireurs de la Nature ont tous été réunis pour une journée riche de retrouvailles dédiée à la paix. « Les différentes communautés ont vraiment répondu présent », explique Elisabeth Drukier, directrice du Centre Kalachakra à Paris. « Ils ont tous été très heureux de participer. On ne se réunit jamais, chacun reste de son côté la plupart du temps. Ça a été très enrichissant ! »
Dilgo Khyentsé Rinpoché ©Matthieu Ricard
La journée s’est ouverte avec les cérémonies chantées du Sutra du Cœur ; tour à tour, les voix résonnent à l’unisson dans l’enceinte de la Pagode, donnant une respiration joyeuse pour le reste de la journée — offrandes de lumière, conférences, dialogue interreligieux, projection de films et théâtre… Sous l’immense statue du Bouddha, entourée d’une myriade de fleurs multicolores, les prises de parole et les moments de recueillement se succèdent, très naturellement. De beaux coussins accueillent ceux qui veulent méditer ou tout simplement se poser, un instant. Des curieux entrent, regardent, s’assoient, se risquent parfois à poser des questions, repartent, dans un même élan, toujours fluide. Certains prennent place et écoutent la conférence donnée par lama Jigmé Thrinlé Gyatso, co-président de l’UBF, sur le thème « Paix intérieure, Paix extérieure », en résonance particulière avec la guerre actuelle en Ukraine.
Puis, avec la même simplicité et fluidité rencontrée jusque-là — car ce n’était pas prévu au programme ! — les reliques du Bouddha[1] ont été sorties du sanctuaire où elles reposent habituellement. Spontanément, une procession se forme — mêlant moines et moniales, laïcs pratiquants et personnes de passage — pour faire le tour de la Pagode, au-delà des palissades, en plein bois de Vincennes, sous l’œil surpris des promeneurs du dimanche. « Certains joignaient les mains, avec recueillement, sur notre passage », raconte Florence, présente ce jour-là. « Les reliques sont petites de taille, c’est touchant, ce n’est pas une grande statue ! Et en même temps, il y avait une grande ferveur autour, une force avec un petit mystère, mais quelque chose de très concentré. Simple mais paisible, harmonieux. »
En fin d’après-midi, un moment de dialogue interreligieux est venu clôturer la journée avec des prises de parole très émouvantes, ainsi qu’une méditation guidée sur la paix. « C’est ça, la paix : trouver une harmonie avec des personnes qui sont de cultures différentes. Cette journée l’a rendu possible », indique Florence.
[1] En 2009, l’offrande de reliques du Bouddha faite à l’UBF par la Thaïlande a donné lieu à un Vesak exceptionnel. En septembre de la même année, les reliques ont été définitivement installées à la Grande Pagode du bois de Vincennes.
Ce dimanche-là, une belle synergie a été créée entre les différentes communautés bouddhistes d’Île-de-France, mais aussi avec l’ensemble des participants. « J’ai vraiment apprécié de travailler avec tous : il y a eu beaucoup de complicité, une amitié s’est créée », ajoute Elisabeth. « Quand l’événement a été terminé ça nous manquait déjà ! Un cercle vertueux a vu le jour. Chacun a trouvé sa place, chacun selon ses talents, et c’était génial. Le public a dû le ressentir », conclut-elle.
Le lendemain, les fleurs multicolores qui habillaient l’intérieur de la Pagode ont été plantées à l’extérieur par lama Thrinlé. « En général, les fleurs représentent la beauté et son caractère éphémère. En ce sens, elles sont un symbole de l’impermanence et de la décrépitude qui nous guettent toutes et tous, et elles nous invitent donc à la lucidité vis-à-vis de nous-même et à ne pas nous attacher au superflu dans cette vie. Cela fait donc vraiment sens de renouveler les offrandes de fleurs à la Grande Pagode du bois de Vincennes, pour cette fête du Vesak 2022, et de rendre les lieux beaux, accueillants et donc bienveillants à l’égard d’autrui et de nous-mêmes. Le bois de Vincennes est considéré comme un des deux poumons verts de Paris. Considérons donc la Pagode comme un des cœurs spirituels de notre capitale ! »
© Jeremy Perkins
En savoir plus sur les communautés bouddhistes d’Île-de-France : www.centresbouddhistes-idf.org/
Cet article intégral est issu de Sagesses Bouddhistes Le Mag n°22.
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Kangyour Rinpoché ©Matthieu Ricard
© Rene Bohmer